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Ma vie avec Liberace (Behind the Candelabra)

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 18.09.2013


QUEER IS TOC





« - C’est drôle que le public aime quelque chose d’aussi gay.
- Mais ces gens n’imaginent pas qu’il est gay !
»

Ma vie avec Liberace tout comme le titre anglais Behind the Candelabra sont de fausses promesses. Un film qu’on aurait bien vu hors-compétition. Si ce dernier Soderbergh décrit le quotidien de la star, il montre peu de l’intimité du couple qu’il forme avec le jeune blondinet Scott, hormis quelques détails finalement assez anecdotiques. Quand à l’envers du décor, il est précis, bien reconstitué, mais il ne révèle pas les motifs qui ont conduit Liberace à tant de passion pour les cristaux autrichiens et les dorures en tout genre. Autrement dit, on en apprend peu sur un personnage légendaire du show biz américain ; le film n’est qu’un banal « biopic » sur lui.

Qu’a voulu montrer Soderbergh ? L’hypocrisie de la société américaine concernant l’homosexualité ? La vie d’un couple gay, obligé de ses cacher, tout en s’affichant avec strings et autres shorts moulants ? La rencontre de deux solitaires cherchant l’alter ego (un père, un fils, un amant, un allié) ? Les mensonges véhiculés au nom de l’image publique ? Dans tous les cas, le cinéaste ne parvient pas à approfondir chacun de ces aspects, restant ainsi en surface.

Comme si Soderbergh n’avait pas osé. A l’image de ces plans qui choqueront peut-être un public prude où Damon (transfiguré) et Douglas (habité) se caressent, s’embrassent, se font l’amour. Le réalisateur utilise les codes de l’homo-érotisme sans jamais les transgresser ou s’aventurer dans des séquences plus provocantes ou même plus crues. Une affiche de Tom of Finland accrochée au mur d’un bar nous rappelle alors que les années 70 étaient finalement plus gonflées qu’aujourd’hui. Du Queer mais façon Michou.

Cela donne le sentiment étrange d’un film poussiéreux. Hormis quelques scènes (principalement celles où Damon est camé et celles très frontales de chirurgie esthétique) où le style du cinéaste revient à quelque chose de plus « expérimental » (le mot est grand), Behind the Candelabra est formaté dans un classicisme presque télévisuel, comme s’il visitait un musée avec son parcours obligatoire : la rencontre, l’ascension, la chute, le pardon.

Car avec un personnage comme celui de Liberace, broyeur de chair fraiche et égocentrique maladif, il y avait matière à réaliser une belle tragédie… A force de préserver chacun des personnages, le cinéaste a oublié de nous les rendre sympathique. A trop les respecter, Soderbergh oublie de les humaniser. Cela laisserait presque indifférent si les deux acteurs n’étaient pas aussi impliqués dans leurs personnages. Jamais on ne croit au couple. Le film les assemble comme deux associés opportunistes, pas franchement compatibles. Il est plus convaincant à nous montrer, brièvement, le talent de la star, qu’à nous décrire ses névroses.

Le cinéaste semble avoir été davantage fasciné par ce temple du mauvais goût que par les sentiments qui ont conduit les deux hommes vers les enfers. Certes, il démystifie ce vieux monsieur libidineux (ironique de redonner à Douglas un rôle de sex-addict) mais comment ce couple a-t-il pu passer autant d’année quasiment en autarcie sans vivre une relation plus forte que celle qui nous est révélée ?

Soderbergh n’est pas Scorsese ni Coppola: la destruction des mythes n’est pas son fort. Son cinéma préfère filmer les virus qui contaminent le bonheur. Mais là aussi, scénario et réalisation ne réussissent pas à nous émouvoir ou nous troubler. Heureusement, il a su conserver de l’humour dans ce film prévisible. On peut même y rire franchement. Mais en noyant son œuvre dans le kitsch et se complaisant dans la superficialité de ces deux vies, il manque de faire un grand film gay sur l’époque des années disco puis SIDA. Il quitte (provisoirement?) le cinéma sans la démesure de l'icône, optant plutôt pour le dégoût que lui inspire autant d'opulence ostentatoire. Une lettre d'adieu à Hollywood?

vincy



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