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Shield of Straw (Wara no tate)

Sélection officielle - Compétition
Japon


IL FAUT SAUVER LE SALAUD RYAN





"Es-tu prêt à servir de pare-balles à une ordure ?"

Le point de départ du film offre matière à réflexion : des policiers doivent protéger un criminel de la pire espèce au péril de leur propre vie et alors qu'une récompense faramineuse est promise à celui qui y parviendra. On sent poindre le dilemme moral, traditionnel combat entre ce qui est juste et ce qui est bien, entre le sens du devoir et la soif de vengeance. Entre la pureté d'un honneur sans tâche et la force des affects qui conduisent aux pires extrémités.

Avec un sujet pareil, Takashi Miike marche sur les plate-bandes d'Hollywood, traitement mélodramatique et pompier compris. Sa mise en scène sans inventivité privilégie un montage découpé assez banal qui montre de la même manière les (trop rares) scènes d'action et les (trop nombreuses) conversations. Il y a même un flagrant manque d'imagination dans les situations d'assaut et les tentatives de meurtre.

Mais ce qui frappe peut-être le plus, c'est l'absence presque totale de brutalité de la part du réalisateur. Il raconte une histoire se voulant violente et perverse, et il le fait avec une mentalité de boy-scout. Même ses personnages sont des stéréotypes manichéens : le héros souffre d'un grave traumatisme et défend à lui seul l'honneur de tout un peuple, le méchant n'a aucune épaisseur psychologique (il se contente soit de geindre, soit de ricaner nerveusement) mais on veut nous faire croire qu'il incarne le mal absolu.

La perversité de l'idée de départ (transformer 120 millions de Japonais en meurtriers potentiels, et faire ainsi de chaque citoyen un individu abject prêt à tuer pour de l'argent) n'est pas réellement explorée par le scénario qui se contente d'aligner quelques tentatives d'assassinat peu ambitieuses. On aurait voulu voir un déferlement de violence à la Coréenne, avec des bandes armées alliant leurs forces, ou des criminels usant de milles ressources complexes. Au lieu de cela, les candidats au meurtre agissent tous assez bêtement et sans conviction.

Au passage, Takashi Miike porte un regard pessimiste sur la société japonaise gangrenée par la corruption et l'avidité, mais surtout sur la misère sociale qui pousse chacun à s'interroger sur sa nature potentielle de tueur en l'échange d'une immense fortune. La question est fascinante dans ce qu'elle révèle sur l'être humain et son instinct de conservation. Toutefois, Takashi Miike prend son histoire beaucoup trop au sérieux. En se plaçant sur le plan de la morale (tuer un être ignoble, est-ce vraiment mal ?), il en oublie toute forme de dérision ou de second degré qui aideraient à faire passer les passages les plus indigestes du film. Au contraire, il en rajoute avec des violons dégoulinants et des plans appuyés sur le visage héroïque de son personnage central. Si l'idée était d'imiter un certain type d'actioner américain décérébré, c'est réussi, absence totale de subtilité en tête.

MpM



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