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The Bling Ring

Certain Regard
USA / sortie le 12.06.2012


LOST IN CONSOMMATION





« - C’est des Prada ?
- Miu Miu.
»

The Bling Ring est un fait divers sensationnaliste, mélangeant jeunesse dorée (en toc) et célébrités volées (en stock). Un article dans Vanity Fair (la foire aux vanités, ce que rappelle le film), magazine rentable grâce aux innombrables marques citées (puisque pillées) : Prada, Miu Miu, « I love Chanel », Louboutin (le nom de l’article), et autres Alexander McQueen. Cela ne dira rien à ceux qui achètent des chaussures à 60 € ou des chemises par trois (dont une gratuite) mais cela fait rêver les fashionistas qui aiment le bling-bling, sacs et accessoires compris.

Le name-dropping ressemble furieusement à une liste de sponsors. Peut-on être étonnés de la part de Sofia Coppola, designeuse de fringues (et de sacs Vuitton), ayant baigné toute sa vie dans le luxe et fréquenté les « people », ici victimes de cambriolages. Se plaçant du côté du Shérif de Nottingham plus que de celui de Robin des Bois, elle filme The Bling Ring comme un clip-documentaire sur des adolescents aspirant à entrer (en intrus) dans sa bulle protégée. Et elle ne les épargne pas : les filles sont au mieux malignes mais superficielles, au pire cruches mais ambitieuses. Aucune centre d’intérêt autre que la mode et les bars tendance. Et Facebook comme vitrine du paraître, où elles se vantent de leurs dernières « acquisitions » illégales. Un homme aurait réalisé ce film, et on l’aurait qualifié de misogyne et de sexiste. De pauvres irresponsables insouciantes. Des « rich bitches » comme le clame un collier. Le film ne manque pas de vulgarité : les « stars » (Orlando Bloom, Megan Fox, Lindsay Lohan, Paris Hilton…) ont des goûts affreux. Coppola signifie-t-elle que ces manants de banlieue (bourgeoise) ont aussi droit d’être bien habillés, vulgaires et consuméristes, adeptes de boutiques de luxe ?

Dans ce monde de substances illicites, d’alcools, de fric, de glamour (factice) et de liaisons (intéressées), cet univers où une marque est une divinité, le sexe n’existe pas, et l’éducation est un alibi dans l’emploi du temps. Mais Sofia Coppola, heureusement, sauve la mise avec deux éléments : l’humour. Caustique, le film sait se moquer de lui-même et de ses personnages. La satire est parfois jouissive (Emma Watson et son plan média, notamment). Et l’ironie n’est pas absente dans des dialogues drolatiques. Et Mark, seul garçon (homo qui aime les talons aiguilles de couleur rose) de la bande, qui apporte un contre-point humain et touchant à cette bande de filles délurées et inconscientes. Coppola a étrangement décidé de faire un film de « it-girls » avec comme héros un mec complexé.

Cependant, jamais, Coppola ne voudra juger ce consumérisme stérile, cet argent facile, ces transgressions régressives, cette absence de culture et de réflexion qui rend leurs cerveaux aussi vides que leurs vies. Superficiels et pas agrégés. Ce serait sans doute tendre un miroir cruel à ce qu’elle aime elle aussi : les malles Louis Vuitton et autres accessoires Dior. Pas étonnant dans ce cas que le film traverse un trou d’air où la réalisatrice n’a rien de neuf à nous raconter, où les séquences se répètent et où l’ennui nous gagne. L’ennui, n’est-ce pas ce que ces jeunes gens veulent fuir dans leur existence pas assez scintillante à leurs yeux ?

Sur la fin, la réalisatrice se reprend, met le turbo avec un montage plus nerveux, réussit quelques jolies ellipses et ses « pestes » récoltent le choléra : le jugement d’un tribunal. Là, les personnalités se trahissent : l’hypocrite, la lâche, la garce, l’opportuniste… Elles deviennent des stars car « l’Amérique a une fascination perverse pour les Bonnie & Clyde ». Morale ambiguë. Pas sûr que ces jeunes retiennent la leçon. Et on reproche alors à Coppola de ne pas avoir mieux écrit son film, mieux décrit ses filles, en leur apportant nuances et circonstances.

Après cette brève chevauchée ponctuée de braquages et de loisirs banals, le spectateur se sent un peu hébété devant tant de bêtise. Le cinéphile regrettera que le cynisme n’arrive qu’au dernier plan. Quant à la fashion victime, elle se dira que l’uniforme orange des prisonniers est une faute de goût impardonnable.

vincy



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