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Les invisibles

Sélection officielle - Séances spéciales
France / sortie le 28.11.2012


#AMOURPOURTOUS





Ces invisibles que filment avec compassion et attention Sébastien Lifshitz nous semblent plutôt invincibles. Ils sont nés avant la seconde guerre mondiale, tous ces hommes, toutes ces femmes. Ils ne cachent par leurs rides (ce qui n'empêche pas une certaine coquetterie), les cheveux qui se raréfient, la peau qui se tâche...

Ils reviennent pourtant de loin. Certains ont attendus 70 ans, "enfin 71 ans et demi", pour se rencontrer. Forcément, c'est touchant. S'il est dur de vieillir, ces homos, bisexuels, ex-hétéros, parents ou non, insufflent une leçon de vie et s'emballent dès qu'on leur fait parler d'amour. "Il faut trouver l'amour, voilà, je crois que je l'ai trouvé".

Les invisibles c'est la classe vermeille qui fait des merveilles. Attendrissants, ils ont cependant un sacré caractère pour ce "strip-tease" sentimental ait de l'intérêt, et du sens. Qu'ils soient paysan, chercheur, intellectuelle, haut fonctionnaire... peu importe, derrière chacun de ces destins est une histoire de combat, de résistance, de victoire sur soi, sur le regard des autres. Certains se rassuraient : "le bouc se masturbe comme nous, il se suce comme nous".

A ceux qui croient toujours que l'homosexualité est un lobby de victimes, ce documentaire instructif réveille les souffrances, les frustrations, les blessures... quelques cicatrices sont encore à vif. Bien sûr les moeurs ont évolué et le chemin parcouru est immense. Il y a encore 40 ans, "les fellations c'était des manières de prostituées". Le regard du cinéaste se porte sur deux axes. Les témoins, ordonnés, et l'Histoire, abyssale. Loin des clichés, rappelant les batailles passées, ces homos des villes et des champs, vieux couples ou célibataires libertins sont l'exact contraire des couvertures de Têtu et autres images superficielles (épilées ou pas) qui circulent pour faire fantasmer les uns ou les autres.

Et puis, par delà ces individus et ce mouvement sociétal, il y a aussi la critique d'un monde qui les a rejetés. Avec humour, philosophie, des mots crus ou bien réfléchis. C'est du réel, du brutal. "De cette sexualité polymorphe si chère à Freud, les parents savaient nous la rendre conformiste"... Et voilà leurs désirs tués, étouffés, morts. La femme est encore une usine à bébés, avant la Loi Veil. L'homosexualité une maladie psychiatrique - "ça te foutait un sacré doute!" - jusqu'à l'arrivée de Mitterrand au pouvoir. Tout conduit à être hétérosexuel :"il faut du cran pour s'imposer face à ça".

La honte se dispute avec la frustration et se conjugue avec les dépressions. Certains s'expatriaient. Fuites en avant, échappées belles, tentations exotiques... Dans cette préhistoire, les homos sont clandestins, cachés, "underground". Les luttes féministes et le mouvement punk les absorbent. Confusion des genres. Ce ne sont pas des déviances mais souvent des déviations pour arriver enfin à bon port.

De l'aveu de tous, beaucoup de temps, les plus belles années?, a été perdu. Derrière les discours historiques, les réflexions sociologiques, c'est l'humain qui transpire, qui s'exprime avec simplicité, vérité. Ce n'est pas un documentaire comme les autres. Les récits qui s'entrecroisent sont ceux d'anciens combattants qui aujourd'hui peuvent vivre à coeur ouvert. Et parler. Le verbe libère les chaînes.

Les invisibles c'est la composition subtile et lumineuse d'une France pas comme les autres. Un puzzle qui croise cathos, cocos, intellos. Aimer son prochain, même s'il est autre, différent. C'est finalement une entreprise de banalisation, un hymne à l'égalité, un plaidoyer pour la normalité. Et c'est tout simplement beau.

vincy



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