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Dans la brume (V tumane)

Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 30.01.2013


L'ARMEE DES HUMBLES





"Si tu veux vivre, comment choisir de trahir ?"

Le brume du titre semble la parfaite métaphore d'une époque en perte de repères, où d'anciens amis d'enfance s'entretuent, où l'on fait plus confiance à ses ennemis qu'à ses voisins, et où le juste est traîné dans la boue tandis que triomphe le fourbe. Pour son deuxième long métrage de fiction, Sergueï Loznitsa réalise en effet un film de guerre intimiste et pudique qui évoque le destin de trois résistants biélorusses pendant l'occupation nazie. Dans cette période d'attente et de doute, loin de tout éclat spectaculaire, les personnages sont confrontés à des questions d'ordre moral et éthique, notamment celle de la trahison et du sacrifice.

Car en temps de guerre, la frontière entre bien et mal a tendance à se brouiller, exigeant des hommes droits une rigueur morale redoublée pour ne pas succomber à la facilité de la compromission. C'est en tout cas le message qui se détache en filigrane du film, montrant que plus les temps sont troublés, plus il est important de rester fidèle à ses idéaux, et qu'il vaut mieux avoir raison seul que tort avec le reste du monde. Ainsi, on est à la fois dans une relecture du passé historique et dans une fable universelle sur le présent.

Mais en même temps, le cinéaste dresse le portrait presque archétypal de trois hommes qui ont chacun choisi une manière différente de faire face à l'horreur de la guerre. L'un est prêt à tout pour survivre, l'autre s'est lancé à corps perdu dans l'action et le troisième a décidé de suivre sa conscience (ou quel que soit le nom qu'on lui donne) à tout prix et quelles qu'en soient les conséquences. Ce dernier incarne à la fois l'homme pris dans un piège auquel il ne peut se soustraire et une figure christique portant sa croix au propre comme au figuré. Pour lui, cette ultime errance dans la forêt est l'occasion d'un voyage intérieur initiatique conduisant du déni à l'acceptation.

La mise en scène épurée et élégante renforce et magnifie le récit, lui insufflant à la fois une grande beauté esthétique et une force émotionnelle intense. Les jeux sur la profondeur de champ, où arbres et personnages apparaissent sur des plans distincts, tantôt nets, tantôt flous, comme à la fois isolés et sur le point de se fondre, donnent même un aspect sensoriel à cette nature luxuriante où souffrent et doutent les trois protagonistes. A les voir si démunis dans cette forêt aux tons presque bleutés, on croit aisément qu'ils pourraient être les derniers hommes sur terre, tenant entre leur main la dignité de l'humanité touter entière.

MpM



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