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Au-delà des collines (Dupa dealuri)

Sélection officielle - Compétition



IL ÉTAIT UNE FOIS EN ORTHODOXIE





"Dieu est à tous, pas seulement à vous."

On ne peut que louer le sens de la mise en scène de Cristian Mungiu qui, avec Au-delà des collines, fait la démonstration de ses cadres élégants et de son découpage précis. Pendant la première heure et demie du film, on est sous le charme de sa manière de filmer le visage de ses personnages, mis en valeur dans des clairs-obscurs saisissants. Toute l'esthétique religieuse traditionnelle est présente dans ce monastère isolé et dépouillé où les silhouettes noires des nonnes s'activent sur fond de paysage désolé. Dans ce quasi huis clos, on sent dès le départ que le pire pourrait arriver, sans bien pressentir où il s'apprête à frapper.

L'élément perturbateur est pourtant présent dès le début, en la personne d'Alina, une jeune orpheline venue visiter son amie d'enfance Voichita, religieuse au monastère. Entre la nouvelle venue et la communauté se dresse immédiatement l'ombre de la méfiance. L'imagination débordante des recluses, aiguillonnées par l'obsession collective du mal et du pêché, voit en Alina un danger. Dès lors, le moindre "signe" semble les conforter dans leurs craintes.

Longtemps, le scénario reste très ouvert, pouvant aussi bien se révéler être une réflexion profonde sur la foi, qu'une histoire d'amour contrariée par les conventions. Plusieurs pistes sont ainsi lancées par l'intermédiaire de scènes courtes, épurées, et pleines d'une tension qui captive le spectateur. Puis tout à coup, à un certain stade du récit, tout semble s'arrêter. Cristian Mungiu met une telle énergie à proposer le point de vue le plus neutre possible qu'il finit par ne plus rien raconter du tout, interrompant même les scènes juste au moment où elles auraient pu apporter un élément nouveau.

L'intrigue se met alors à tourner en rond, alternant départs et retours, rémission et rechute. Plusieurs séquences se répètent sans apporter de contrepoint ni relancer l'action. Le film se fige, perdant intensité et force dramatique à la fois. La dernière heure, pleine d'atermoiements et de volte-face, semble ainsi interminable et creuse. Les zones d'ombre subsistent, et le propos du cinéaste lui-même reste flou.

Bien sûr, on perçoit la critique implicite de la rigidité religieuse (de son hypocrisie, aussi), mais au fond les personnages agissent plus par bêtise que par dogmatisme. Leur désir de faire le bien à tout prix se transforme en aveuglement sans qu'ils en aient véritablement conscience. Pire, plus les religieuses martyrisent leur victime, plus elles semblent l'aimer et la plaindre. Comme si ses souffrances lui permettaient enfin de devenir un membre de la communauté.

Au fond, plus qu'un type déterminé de comportement, Mungiu semble surtout stigmatiser l'inertie propre à l'être humain en général, surtout lorsqu'il évolue au sein d'un groupe. Malheureusement, il le fait avec trop de didactisme clinique pour ne pas sembler vain, voire caricatural. C'est d'autant plus regrettable que la première partie, intense et millimétrée, avait tout pour faire un grand film.

MpM



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