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Kitchen Stories (Salmer fra kjokkenet)

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Norvège / Suède


Fable déjantée





«- La ménagère suédoise n’a plus à marcher jusqu’au Congo, le Nord de l’Italie suffit.»

Un Suédois et un Norvégien se tiennent dans un espace clos, en l’occurrence une cuisine. Le premier, Folke, perché sur une chaise tel un arbitre sur un court de tennis, regarde l’autre vivre comme à travers l’écran d’une télévision. Le vieux célibataire, au visage buriné, accomplit les gestes de la vie quotidienne, boit son café, fait sa vaisselle, fume sa pipe sans un regard pour celui qui l’observe. On pourrait entendre une mouche voler. La présence rigide de cet homme dans son intimité l’ennuie profondément. Il s’amuse alors à l’énerver : en le plongeant dans le noir dès qu’il quitte la pièce, en laissant couler l’eau du robinet goutte-à-goutte ou en mangeant sous ses yeux affamés du chocolat. Il perce un trou dans le plafond de sa cuisine pour devenir à son tour celui qui observe… Toutes ces provocations, extrêmement bien filmées et totalement silencieuses, sont de réels délices, des condensés d’humour muet. La règle qui veut que le sujet de l’étude et celui qui en est chargé ne se parlent pas, crée de véritables comiques de situations.
Les jours s’écoulent et il devient de plus en plus difficile pour les intéressés de respecter cette interdiction. Voyant que son hôte n’a plus de tabac pour bourrer sa pipe, Folke en lance sur la table de la cuisine. Pour le remercier, celui-ci lui tend, toujours sans un mot, une tasse de café. Un geste en entraînant un autre, la parole finit par s’instaurer et avec elle, lentement, une très belle amitié. La tendresse que l’on éprouve pour ces personnages grandit à mesure que se rapprochent ses deux êtres en apparence opposés. Leur fonction- observateur/ observé- et leur nationalité les sépare. C’est pour le cinéaste l’occasion d’évoquer les relations entre la Suède et la Norvège, et de montrer que les peuples de ces pays voisins sont plus proches qu’ils ne le croient.
Il y a dans ce film une économie voulue de dialogues. Souvent délirants, ils rappellent L’homme sans passé du Finlandais Kaurismaki. Un soir, le Norvégien prend son bain et demande à l’autre de venir écouter la radio « dans sa gueule ». Sans se départir de son sérieux, il explique qu’avec ses plombages en argent et la tuyauterie en cuivre de la cuisine, il capte la radio norvégienne… et même parfois l’étranger ! Folke, travailleur discipliné et consciencieux, va finir par dormir, sur les conseils du vieux, sur le dos d’un cheval avec une écharpe en poil de chat pour calmer sa toux. C’est hilarant.
Il se rend compte petit à petit qu’entre le protocole imposé par l’étude et la pratique, il y a un fossé immense et qu’il est impossible de faire rentrer les hommes dans des cases purement théoriques. Drôle et touchant, Kitchen stories possède toutes les qualités d’un grand film. Derrière cette histoire toute simple d’amitié, le film de Bent Hamer nous fait comprendre plusieurs choses : que les règles absurdes sont faites pour être transgressées, que l’homme ne peut être observé comme un simple rat de laboratoire (à l’exception peut-être des lofteurs de M6) et enfin que l’on ne peut arriver à comprendre l’autre sans passer par le dialogue. Une vraie leçon d’humanisme.

(Vanessa)

Vanessa



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