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Le gamin au vélo

Sélection officielle - Compétition
Belgique / sortie le 18.05.2011


UN FILS A LA PATTE





"Je ne veux plus le voir."

Un gamin qui cumule les coups durs, un vélo perdu puis volé, une coiffeuse au grand coeur... Le cru 2011 des frères Dardenne ne se distingue pas vraiment des précédents, tous présentés à Cannes, et qui ont souvent connu de bonnes fortunes. Avec ce Gamin au vélo (même le titre est naturaliste), ils explorent donc leurs thèmes favoris (sacrifice, lâcheté humaine, pardon et rédemption) sans se départir de leur mise en scène caractéristique : caméra assez mobile et une mise en scène très explicative. Seule nouveauté, la présence d'une actrice glamour, Cécile de France, qui adoucit le propos en lui donnant joie de vivre et luminosité. Pour une fois, le film exhale un parfum d'optimisme.

Malgré tout, le scénario ne fonctionne pas. Les trois actes soulignés par une musique tonitruante et emphatique donnent au récit un aspect théâtral qui ne cadre pas avec sa volonté réaliste. De même, le personnage de Cécile de France reste opaque du début à la fin. On ne comprend pas ses motivations lorsqu'elle décide d'aider Cyril, et surtout on ne les ressent jamais ni dans son jeu, ni dans ses actes. Difficile de croire à la relation qui unit les deux personnages...

Par ailleurs, une fois encore, on peut faire le reproche aux deux cinéastes d'ancrer leur intrigue dans un déterminisme détestable, où l'équation misère sociale = violence est systématiquement vraie. Alors que l'on devrait éprouver de l'empathie pour le jeune héros, tout est fait pour nous le rendre insupportable et antipathique. Véritable boule de nerfs, il ne tient pas en place (les premières séquencse le présentent en train de courir, puis de pédaler à toute vitesse) et s'avère tour à tour obtus, colérique et brutal. Un caractère entier explicable par son passé, mais si caricatural qu'il en devient par moments insultant. Comme si à cause des épreuves traversées, l'enfant ne pouvait faire preuve d'intelligence et de mesure, notamment dans sa relation aux autres.

Autre grande faille du scénario : en n'expliquant jamais où est sa mère, les Dardenne empêchent le spectateur de comprendre pourquoi Cyril repousse le substitut maternel que représente Samantha, alors qu'il se dévoue corps et âme au premier substitut de père rencontré. Son mode de fonctionnement nous apparaît opaque, irrationnel. Et lorsqu'arrive le moment de l'épreuve, de la chute et du pardon sacrificiel, chaque étape semble à la fois terriblement prévisible (forcément, il doit mal tourner) et inutilement mélodramatique.

Curieusement, un autre film présenté à Cannes en même temps que Le gamin au vélo montre des enfants paumés et livrés à eux-même. Il s'agit des Neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian. Les enfants sont issus d'un milieu ouvrier très pauvre, ont été abandonnés par leurs parents, et sont élevés par leur frère. Filmés par le Marseillais humaniste, ce sont des enfants qui veulent s'en sortir (ils étudient consciencieusement) et accueillent avec dévotion la gentillesse d'inconnus qui essayent de les aider. Dans un cas, chez les Dardenne, le milieu social et le vécu conditionnent négativement l'individu, qui ne pourra changer que suite au triptique sacrifice/pardon/rédemption. Dans l'autre, chez Guédiguian, chaque individu réagit différemment, et la modestie matérielle et sociale n'implique en aucun cas violence ou misère affective. A bien choisir, on préfère cette vision de l'humanité, moins manichéenne et plus universaliste.

MpM



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