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The Tree of Life

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 17.05.2011


HEAVEN’S GATE





« - Tu laisses n’importe quoi arriver. »

Dieu, le père, la mère et l’univers… Ambitieux sujet que celui du nouveau film du rare Terrence Malick, The Tree of Life. Forcément casse-gueule : le propos est métaphysique (mais n’arrive pas au niveau de 2001 L’odyssée de l’Espace, loin de là), les thèmes foisonnent dans tous les sens (l’héritage, la foi, ses propres choix et les responsabilités qui en découlent), la structure narrative ne repose sur aucune convention.

Au mieux, le film fascine, au pire, il peut-être rejeter, railler. Au moins, laisse-t-il perplexe. L’impression finale est certaine : l’absence d’enjeu dramatique, l’élégance froide de la forme ne parviennent jamais à nous émouvoir. Le réalisateur a peut-être été inspiré par la grâce mais son doigt divin ne nous touche pas. Œuvre inaccessible, visuellement splendide et sublime, on pourrait même croire que Malick n’a pas pris la distance nécessaire pour aborder un discours presque transcendantal. Il se voit filmer, se noie dans ses belles images, se laisse absorber par des scènes impressionnantes mais vides. La forme surréaliste et l’histoire pas forcément limpide composent une étrange alchimie qui peut donner des scènes grandioses et d’autres complètement abstraites. Le film écrase le spectateur et semble tout autant étouffer son propos. Il s’emprisonne sur ses conflits binaires sans jamais savoir comment s’en échapper.

Oh! Father!

Le temps paraît long sur la deuxième partie, comme si le réalisateur ne savait pas comment élucider tous les mystères qu’il voulait évoquer. L’objectif paraît vain, quand il est compris ; et le désarroi du spectateur oscille entre l’idée de voir un exercice de théologie où le symbolisme (assez banal) l’emporte sur le vécu et un superbe requiem sur la puissance américaine.
The Tree of Life dépeint une Amérique profonde, sûre de son mode de vie, basé sur la foi et la réussite. La foi est représentée par la mère, qui croit en la « grâce » des choses, préférant s’abandonner aux choix d’un plus grand que soi, et ainsi atteindre le bonheur. Le père est l’emblème de la réussite, c’est-à-dire de la volonté de dominer, d’être le plus fort, de ne pas subir, d’aller à la confrontation et donc au combat, à la souffrance. Il est la « nature ».
Ce duel va se répercuter sur les trois fils, et notamment sur l’aîné, Jack, qui va accaparer toute l’attention du père. L’enfant va d’abord vouloir plaire à son géniteur, avant de le défier puis finalement de se résigner : dans le cœur d’un enfant, la grâce et la nature luttent perpétuellement pour prendre le dessus.

Les tours s'effondrent

Ce rapport père / fils est clairement ce qu’il y a de plus captivant dans le sujet proposé par Malick. La mère est trop « illuminée » et soumise pour représenter une réelle menace ou un contrepoint solide. Quand le père, autoritaire, vieux jeu, brutal, comprend que la force est une illusion, que le rêve américain est un mirage, qu’il est en fait un « loser » et une victime d’une propagande inscrite dans son logiciel de pensée, c’est tout un monde qui s’écroule. Le cinéaste, aidé par un Brad Pitt idoine pour le personnage, parvient d’ailleurs, dans ses derniers plans à être plus convaincant en filmant des tours de verre illustrant la vacuité de cette puissance, qu’en nous infligeant une série de scènes servant d’allégorie à l’âme et l’inconscient. Celles-ci sont traversées par un Jack adulte, alias Sean Penn, qui semble aussi perdu que nous dans ces décors oniriques et peu inspirés.
On ne saura jamais si dans ce Paradis pictural, Dieu est le père ou la mère. On comprend tout juste grâce aux premiers mots qu’y résident la mère et un frère (lequel ? qu’est devenu l’autre ? autant de mystères et d’oublis dans le scénario qui permettrait de structurer un peu mieux la narration).

La part de Dieu, l'oeuvre du Diable

Malick voulait sans doute percer le mystère de l’existence et aborder la décadence de notre civilisation, en gardant l’espoir que la vie serait plus forte. Apprendre reste le seul message qu’il délivre pour qu’on puisse survivre. Apprendre où est le bien et où est le mal, la part de chance et d’infortune, la confiance en l’autre et le deuil des autres, la cruauété de Dieu et le machiavélisme du Diable. Mais que c’est pesant pour balancer tout ça. La succession de beaux moments ne suffit pas à combler les rares séquences instructives. Il fauta tendre 90 minutes pour vivre une tension dramatique, qui s’essouffle assez rapidement.
En flirtant du côté de Kubrick, musique sacrée inclue, il offre une expérience visuelle exceptionnelle et un discours mystique à la limite du grotesque. Cela devient une fresque iconographique qui superpose trop de couches pour être lisible au premier regard.

vincy



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