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Carancho

Certain Regard
/ sortie le 02.02.2011


ASSURANCE SUR LA MORT





«- Les assurances sont là pour payer, mais un accident reste un accident.»

Pablo Trapero aime bousculer les Lois de son pays, l’Argentine. Il prend un sujet ancré dans le quotidien, lui accole un scénario bouleversant ou traumatisant, et provoque ainsi un débat jusqu’au Parlement. Après le très beau Léonera qui avait changé le statut des femmes accouchant en prison, voici Carancho qui veut en finir avec ces assureurs arnaquant les familles des victimes de la route (la plus importante cause de décès en Argentine) en s’octroyant une part non négligeable des primes d’indemnisation.

Contrairement à Léonera, Carancho est un film noir, sans issue de secours. Un chemin sinueux, à pleine vitesse, qui mène au crash ultime. Les rares touches de lumière dans ce film noctambule proviennent de la chair des deux personnages. Un « carancho » usé, vieilli, fatigué par son métier et une nfirmière urgentiste idéaliste mais ne tenant debout face à l’horreur que grâce à quelques piqûres… Une rencontre de deux êtres que tout oppose et sur lesquels un piège se referme doucement mais sûrement. Une spirale infernale qu’on ne voit pas venir tout de suite et qui surprendra - brutalement – dans le plan séquence final, brillant.

Car on peut ne pas accrocher à cette histoire sordide, ce thriller mafieux un peu glauque, violent (mais pas trop), mais ce film fatal « à tombeaux ouverts » bluffe par sa mise en scène inspirée. Des travellings élégants qui aboutissent souvent à une séquence cassante. Des plans serrés qui détaillent les gestes, les parties du visages, les objets donnent tout de suite une impression d’enfermement. Sans suffoquer, le spectateur est happé par l’atmosphère ocre et âcre que Trapero met en place. Buenos Aires n’est que faubourgs, aires de parkings, bureaux désuets et hôpitaux peu reluisants. Le personnage de Ricardo Darin (encore une fois très juste) parvient à être empathique malgré son métier de salopard. Martina Gusman est (comme dans Léonera) capable de subtiles touches… Un vautour qui veut sa rédemption et un archange qui porte mal ses cicatrices. Ils se tournent autour, attirés. Leur rupture va les transformer. Et leur réconciliation se fera autour de plaies à panser. Toute une métaphore…

Si la partie fictionnelle est palpitante, le film dévie parfois vers un aspect documentaire qui prend de l’emprise sur la narration et le rythme, pour ne pas dire qu’il détourne notre attention. Un homme traqué, ça ne se perd pas de vue, même avec de bonnes intentions. Se libérer d’un système ça occupe bien un film. D’autant que le scénario n’est pas avare en beaux moments, notamment cette pause sensuelle, apaisante, presque idyllique, qui va annoncer le chant du cygne. Noir, le cygne.

Car ces deux égarés sont comme dans un seringue, sans air et sous pression, cherchant à fuir par une aiguille. Mais ils ne trouveront que le sang, déjà pourri de l’intérieur. L’hémoglobine qui hantent leurs nuits, celles des victimes qui habitent leurs vies, est leur seule destination dans un final stressant, autant attendu qu’inattendu. Jusqu’à l’écran noir.

Du cinéma abrupte. Trapero aime décidément nous bousculer. Tant mieux.

vincy



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