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Chatroom

Certain Regard



LES AMIS IMAGINAIRES

"- Qui détestes-tu?"





Ce qui frappe dès le départ dans Chatroom, c'est qu'il s'agit très probablement du premier film sur internet qui parvienne à la fois à le représenter en tant que nouveau média et à l'utiliser comme révélateur de problématiques propres à la jeunesse actuelle. Il y a plus de dix ans, Hideo Nakata réalisait Ring à l'époque où le magnétoscope se démocratisait si vite que chaque ado avait le sien dans sa chambre. Aujourd'hui, il s'intéresse logiquement au web, devenu incontournable dans la vie de millions de gens, en demandant à l'auteur Enda Walsch (qui avait également signé Hunger) d'adapter sa pièce de théâtre éponyme destinée aux adolescents.

Et assez finement, il parvient à éviter un discours alarmiste ou moralisateur sur les usages d'internet. Il n'y a qu'à voir le sort qu'il réserve aux cyber-pédophiles... Sans oublier que dans Chatroom, le danger vient de la fragilité des personnages principaux, et non du web lui-même. Seul l'usage qu'ils en font est mauvais. Voilà pour le mauvais procès que l'on pourrait être tenté de faire à Nakata, en l'accusant de diaboliser internet.

Ceci dit, plus qu'un brûlot, Chatroom s'avère surtout un film parfaitement maîtrisé. Certes dérangeant, peut-être sujet à controverse, mais construit avec une rigueur implacable qui mêle mise en scène au cordeau, suspense crescendo, horreur diffuse et rythme suffisamment frénétique pour correspondre au mode de vie des internautes pour qui tout va vite et est accessible en quelques clics... Même l'esthétique est intelligemment ambivalente : colorée pour le virtuel, terne pour le réel. Ainsi le cinéaste alterne les séquences presque oniriques du forum de discussion, avec une matérialisation imaginative de ce qui est purement virtuel, et celles, plus froides et esquissées, de la réalité. Inutile de se demander quelle ambiance préfèrent les personnages. Et comment leur jeter la pierre ?

Pour le reste, Chatroom dépasse le thriller efficace pour dresser un portrait effrayant d'une jeunesse complètement larguée. Issus de milieux plutôt favorisés, les cinq protagonistes n'en ont pas moins d'innombrables problèmes, certains typiquement liés à l'adolescence, et d'autres plus profonds. Le scénario explore notamment la fascination pour la mort et le désir de flirter par procuration avec elle, quitte à sombrer dans la manipulation la plus abjecte. Et le réalisateur n'hésite pas à aller relativement loin (si l'on souhaite que tout cela ne soit que de la fiction, malheureusement ce n'est pas le cas puisqu'il s'inspire de faits réels, notamment au Japon), quitte à choquer. Mais dénoncer et mettre en garde, même de manière choc, semble toujours plus utile que de détourner pudiquement le regard. Et inutile de reprocher au film son aspect fun et divertissant (que certains soupçonneront de tenter les adolescents plutôt que de les mettre en garde) : aucun message n'est jamais correctement passé par le biais d'une oeuvre poussive et timorée.

MpM



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