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Another year

Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 22.12.2010


LE TEMPS QUI RESTE





"- Qu'est-ce qui améliorerait votre vie ?
- une autre vie.
"

Comme un peintre, et � son habitude, Mike Leigh réalise par petites touches une galerie de portraits aussi hauts en couleur qu'attachants. Il lui suffit d'une scène pour poser chacun de ses personnages et esquisser les contours de sa personnalit�. Puis plus on progresse dans le film, plus il affine le trait. Se révèlent alors la subtilit� des âmes et les failles cachées.

Pour mieux mettre en valeur ce travail de précision, il se contente d'une intrigue très ténue, presque entièrement dépourvue d'éclats, d'enjeux dramatiques ou de rebondissements. Il capte la vie dans ce qu'elle a de plus quotidien (au fil des quatre saisons) et en saisit les mouvements plus ou moins infimes. Cela passe surtout par des conversations tantôt enjouées tantôt mélancoliques aux dialogues extrêmement savoureux. L'alcool déclenche les confidences, la bravade cache les douleurs. Et la solitude, elle, gagne du terrain.

Car malgr� son ton faussement léger, Another Year s'avère un film plutôt pessimiste. Le couple central, ouvert et accueillant, est en réalit� trop centr� sur lui-même pour venir en aide aux autres. On le voit symboliquement dans les séquences d'ouverture et de clôture : bien que ce soit son travail, Gerri ne parvient pas � empêcher sa patiente (comme son amie) de sombrer. Peut-être parce qu'elle-même représente le couple idéal (avec une référence ironique � Tom et Jerry), exemple apparemment parfait et en réalit� inatteignable.

Il apparaît ainsi clairement qu'� son contact, Ken et Mary (jumeaux dans leur douleur et leur maladresse � l'exprimer, en quête de quelqu'un susceptible de les soutenir) sont renvoyés � leurs propres échecs. Ils se sentent lamentablement inutiles et vains, sans que personne ne fasse quoi que ce soit pour leur prouver le contraire. Constat extrêmement douloureux auquel le réalisateur donne une touche désespérée quoique non misérabiliste. Il montre les effets du temps non sur le corps mais sur l'âme. Ce moment de l'existence o� l'on voit sa vie filer entre les doigts, avec l'obsédante question du temps qui reste et de ce que l'on en fera.

Sous leurs dehors fantoches, paumés aux dépens de qui tout le monde rit, Ken et Mary sont juste les reflets exacerbés de l'être humain en général. Chez eux, le bilan "� mi-parcours" prend en effet de telles proportions qu'il occulte le phénomène chez les autres, pourtant cela ne signifie pas qu'il n'est pas présent. Tom parle beaucoup de la mort, Joe s'inquiète de voir ses amis se marier, Ronnie se remet en question suite � la mort de sa femme et � cause de ses relations complexes avec son fils, Gerri se sent impuissante � régler les problèmes des autres... Tous, finalement, ressentent ce blues qui est loin d'être propre � la cinquantaine, ce sentiment d'urgence et de vacuit� liés � l'irrémédiable approche de la mort.

Après la joie de vivre qui irradiait de Happy-Go-Lucky, Mike Leigh revient donc � une veine plus sombre. Cette fois, le conte de fées n'a pas lieu, et la malheureuse Mary (pendant du personnage de Poppy) ne traverse pas la vie avec le sourire aux lèvres. Malgr� tout, le spectateur, lui, apprécie toujours autant l'humanisme du cinéaste, ainsi que son irréprochable direction d'acteurs.

MpM



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