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Irène

Certain Regard
France / sortie le 28.10.2009


PORTRAIT SENSIBLE





"Elle avait le sentiment de me demander tout et moi je ne lui demandais rien. Juste d’être là."

Muni de sa seule mini-caméra à micro intégré, Alain Cavalier réinvente film après film un genre qui se situe à mi-chemin entre le journal filmé et l’autobiographie. Cette introspection intimiste recrée à partir peu de choses un pan de vie, une perception du monde ou, comme ici, l’esquisse d’une personne disparue. Cette fois, le réalisateur plonge en effet au plus profond de sa mémoire pour évoquer Irène, son épouse décédée dans un accident de voiture. La tâche est forcément malaisée, presque impossible, car comment filmer quelqu’un qui n’est plus ? Pire, comment filmer quelqu’un dont on a de plus en plus de mal à se souvenir du visage ?

Voilà donc le cinéaste lancé dans une quête éperdue des lieux et des objets susceptibles de faire renaître Irène sous nos yeux. Ou au moins d’en dresser (en creux) un étonnant portrait qui a moins à avoir avec l’élégie qu’avec le rébus. Avec honnêteté et précision, mais non sans humour (un dialogue avec le poster de Sophie Marceau, momentanément évoquée pour incarner Irène ; une démonstration suggestive à base de pastèque et d’œuf…), Alain Cavalier se souvient des défauts d’Irène, de son passé difficile, de leurs relations houleuses. "Il m’est arrivé de souhaiter qu’elle meurt" avoue-t-il avec simplicité. Et dans sa voix percent tout autant la culpabilité et les regrets que l’émotion. Le spectateur, pourtant, ne se sent pas voyeur. Il devient plutôt le complice du réalisateur, celui qui voit à travers ses yeux et partage sa douleur mais également son bonheur de voir peu à peu renaître la chère disparue.

Sur ce dialogue avec l’au-delà (à la fois temporel et physique), il est au fond difficile de poser des mots qui ne soient ni pompeux ni simplistes. Les adjectifs semblent en effet bien vain pour décrire une expérience qui se nourrit de digressions, d’accidents (une chute dans un escalator), de ratés (Alain Cavalier se trompe, se reprend, cherche le mot juste) et d’intuition. Ce sont ces aspérités et ces hasards, peu importe le nom qu’on leur donne, qui modèlent le film comme autant d’inflexions de l’existence. Voilà pourquoi Irène donne l’impression de s’écrire sous nos yeux non pas comme un requiem compassé mais bien comme un hymne au bouillonnement de la vie.

MpM



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