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L'imaginarium du Docteur Parnassus (The Imaginarium of Doctor Parnassus)

Sélection officielle - Hors compétition
/ sortie le 11.11.2009


DE L’AUTRE COTE DU MIROIR





"On ne peut arrêter les histoires d’être racontées !"

Quel plaisir de retrouver un Terry Gilliam en pleine forme, qui livre quasiment son meilleur cinéma depuis L’armée des douze singes ! Avec L’imaginarium du Docteur Parnassus, le cinéaste prouve qu’il possède toujours cet univers personnel qui a fait son succès ainsi que la capacité à ne pas se laisser déborder par lui. Son scénario, qui s’avère d’une grande richesse visuelle et dramatique, est au contraire si maîtrisé que les allers-retours entre fantastique et réalité ne sonnent jamais faux.
Chaque incursion dans l’"Imaginarium", intelligemment amenée par le fil du récit, est ainsi l’occasion d’une séquence aérienne, poétique ou délirante aux effets spectaculaires. Chaussures géantes, échelles qui rejoignent les nuages, policiers travestis qui incitent à "mettre la violence au service du bien"… c’est le paradis de l’humour anglais, décalé et absurde.

Même l’artifice utilisé pour pallier l’absence de Heath Ledger (mort avant la fin du tournage) s’intègre si bien au film que l’on a du mal à croire qu’il n’était pas prévu dès l’écriture. En effet, Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell apparaissent chacun au cours d’une séquence unique se déroulant à l’intérieur de l’Imaginarium, le changement de visage devenant alors un effet de l’imagination de Tony qui se voit tour à tour en séducteur, en arriviste et en homme d’affaire.

Avec sa symbolique de la traversée du miroir (permettant de franchir la barrière qui sépare chacun de son inconscient, c’est-à-dire de son monde intérieur) et son esthétisme volontairement vieillot, le film s’inscrit dans la droite ligne d’Alice au pays des merveilles. A la différence près que l’imaginaire des adultes s’avère plus basique, presque entièrement envahi par la soif de pouvoir et l’obsession des biens matériels. Dans sa version originelle, l’Imaginarium semble figé dans le temps, offrant une escapade onirique que peu de gens sont capables d’apprécier à leur juste valeur. A l’opposé, la "modernisation" effectuée par Tony consiste à faire à nouveau coïncider ce divertissement avec l’intérêt de ses clients. Des merveilles de l’imagination et de ses pouvoirs infinis, on passe aux tristes sirènes d’une société de consommation qui a vampirisé jusqu’à notre inconscient.

Derrière sa façade de pur divertissement, L’imaginarium du Docteur Parnassus a donc bien quelque chose de désenchanté. La manière dont il réinvente les enjeux du combat entre bien et mal est par exemple à mi-chemin entre humour et cynisme. Il ne s’agit plus pour chaque camp de gagner (avec les implications manichéennes que cela suppose) mais de continuer à jouer. D’ailleurs, la relation entre Mr Nick (impeccable Tom Waits) et le Dr Parnassus (excellent Chistopher Plummer) évolue au fil du temps et tient plus de l’amitié que de la haine.

La métaphore peut alors s’appliquer, au-delà de notre société, au cas particulier du cinéma qui, comme le miroir magique du Docteur Parnassus, permet au spectateur de pénétrer des univers inconnus. Certains préfèrent y découvrir des histoires à l’ancienne, racontées avec amour. D’autres veulent juste du plaisir en boîte, vite consommé, vite oublié. Or les deux ont leur place dans l’Imaginarium et, par extension, sur les écrans du monde entier. Car, comme le bien et le mal, cinéma commercial et artisanal ne sauraient perdurer l’un sans l’autre, étant les deux faces indissociables d’un même désir.

MpM



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