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Johnny Mad Dog

Certain Regard
France / sortie le 26.11.2008


GAME OVER





"- si tu ne veux pas mourir, fallait pas être né."

Déchirement d'une Afrique ensanglantée, horreur d'une guerre fratricide, visages « zombifiés » de gosses armés flinguant comme des automates, fureur, sang, immersion sans recul, sans contours ni oxygène, Johnny Mad Dog délivre froidement une didactique de l'image choc par ivresse d'un réalisme assommant. La profusion de cris tourbillonnants tourbillonne sur elle-même, incapable d'offrir autre chose que cette litanie vaine de rues et de chemins arpentés par la cohorte d'enfants soldats surexcités. Simple transcription d'une vérité d'un terrain meurtri. Peut être ? Platitude d'un objectivisme fourvoyé par une mise en scène racoleuse et d'un ennui pesant. Sans aucun doute !
Alors la propagation des images sera bientôt noyée dans la représentation vulgaire d'un monde qu'on ne cherche plus à comprendre.

Un film qui reste trop flou
Le film de Jean-Stéphane Sauvaire ne raconte rien d'autre. Il ne s'attarde pas, préférant filmer le terrain de « jeu » d'un commando de mômes mal fagotés, armes aux poings, gris-gris aux cous, dont l'implacable efficacité semble ne jamais défaillir. Cette vision, bien que parcellaire, se veut la plus fidèle possible et nous montre de jeunes soldats lobotomisés par des chefs adultes – Never Die et Dust to Dust –, drogués avant chaque assaut et motivés par des cris de ralliement envers une cause qui leur échappe. Mais justement, qui sont ces jeunes et comment sont-ils devenus ces messagers de la mort ?
Hélas on ne le saura jamais, le propos du cinéaste consistant, pour l'essentiel, à magnifier les bras vengeurs d'une jeunesse africaine sacrifiée par une Afrique elle-même indéterminée, décontextualisée et ouverte, ainsi, à la caricature. Linéaire, la démonstration n'a plus d'autre choix que de proposer une surenchère visuelle dont l'introduction en tisse les principaux contours : images chiadées, caméra épaule ou steadicam, réalisme froid, cris, flingages, poussière ocre d'un voyage macabre sans retour.

Trop de forme tue le fond
Ainsi, pour faire mouche, le parti pris de Jean-Stéphane Sauvaire soutenu par son producteur-réalisateur Mathieu Kassovitz, ne s'embarrasse d'aucun contexte politique susceptible d'amoindrir la portée symbolique d'un film carré dont le réalisme exacerbé fini par produire du voyeurisme et de l'opportunisme mal placé. La valeur formelle prenant le pas sur toute autre considération cinématographique peu importe, alors, que le film ai été tourné au Libéria, soutenue par la présidente Ellen Johnson Sirleaf et que les acteurs « castés » furent réellement d'anciens enfants soldats.
Valoriser un compte rendu factuel par le prisme unique des gamins, c'est prendre le risque d'accumuler des actes produisant invariablement d'autres actes, sans réussir à dégager une quelconque réflexion sur les motivations, fussent-elles irraisonnées, de ces jeunes combattants.

Démonstration chaotique de lsa sauvagerie humaine
Alors le piège sournois du "plus c'est vrai, mieux c'est", finit par plomber les dernières velléités sincères du réalisateur.
Pour finir, nous assistons, en creux, au défilement de scènes propre aux guerres civiles. Les pillages, exécutions sommaires, viols et affrontements s'enchaînent dans une violence abrupte et ultra réaliste proche du détournement d'idées. Car en évacuant toute historicité à un tel évènement, Sauvaire tronque sa didactique de départ. L'immersion devient gratuite et sa mise en scène démonstrative. Les rapports de force entre Small Devil, No Good Advice, Butterfly, Young Major et Johnny Mad Dog restent conditionnés à leur fonction première : faire régner la terreur partout où ils passent. Au milieu de cette perspective proche du mauvais jeu vidéo interdit aux moins de 16 ans, le film écarte les questions existentielles pour laisser la valeur première des images faire son travail didactique. La reconstitution à "l'exact" devient alors le maître mot d'un Sauvaire un peu perdu dans sa folle démonstration de la sauvagerie humaine.

Exubérance et indigestion
En parallèle à cette exubérance de scènes chocs, le réalisateur tente de développer une réflexion sur les notions du bien et du mal par le destin croisé de deux personnages que tout oppose : Johnny Mad Dog et Laokole (une lycéenne de 16 ans). L'effort est louable, l'interprétation grossière. Si le premier tue sans se poser de question, la deuxième essaye, en vain, de sauver son jeune frère et son père infirme. L'Afrique serait donc uniquement définissable par ces deux extrêmes niant la complexité d'une situation géopolitique particulière, où l'espace intermédiaire n'aurait pas voix au chapitre. Si la scène du cimetière est sans doute la plus réussie – croisement symbolique du commando de Johnny Mad Dog et de Laokole venant d'enterrer son père –, elle n'est qu'un bref moment d'humanité dans ce chaos indigeste d'images en trop plein.

geoffroy



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