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Les sept jours

Semaine critique - Séances spéciales
Israël


LA GUERRE DES SEPT JOURS





Séquence d’ouverture : Un groupe serr� comme un paquet autour d’une tombe. Une famille collée lors de la mise en bière de l’un des leurs. Les pleureuses hurlent au premier rang. Les hommes sont plus discrètement émus derrière elles. Le cercueil entour� d’un linceul juif glisse dans la terre. Le groupe se lamente. Le groupe ondule. Le groupe crie. Le groupe tangue. Soudain, des sirènes retentissent dans les airs. Les endeuillés recouvrent leur tête de masque en caoutchouc. Goules noires dont les sanglots sont relayés par le chant des sirènes. Celui des skudes envoyés par Sadam Hussein sur Israël. Seule une vieille femme, la mère, offre son visage nu au tourment.

Séquence de clôture : Autour de la mère, le groupe avance dans une allée du cimetière comme une carapace de tortue disloquée. Une colonie d’insectes clodiquante. Un puzzle humain tribal, quasi mafieux qui n’est pas sans rappeler les scènes de groupe de La Reine Margot de Patrice Chéreau. Ces parenthèses filmées en extérieur ficèlent un huis clos collectif dans lequel chaque membre étouff� revendique son identit�, sa libert� d’être comme des poissons dans un vivier car l’air, le macrocosme israélien, peut devenir meurtrier. Comme la maison du défunt, le microcosme familial, qui grouille de rancoeurs et de haine.

Sept jours de réflexion

Après le très troublant Prendre femme qui s’inspirait de la vie de leur mère, le second long métrage de Ronit et Shlomi Elkabtez ne scrutent plus l’implosion d’un couple, mais celui d’une famille condamnée � l’enfermement pendant sept jours pour cause de deuil. Les deux cinéastes grattent les plaies de cette communaut� jusqu’à la faire saigner. Arrachent les peaux mortes d’une sociét� malade avec ses coutumes religieuses, son machisme qui brandit l’argent en guise de virilit�, son matriarcat souterrain qui déboussole les hommes, ses valeurs familiales anéanties par les divorces et les convoitises de la consommation�

Ce nouvel opus de la sœur et du frère Elkabetz est une éblouissante réussite de mise en scène. Préférant le hors champ au contre-champ, ils privilégient le plan fixe dont les focales resserrent la profondeur de l’image jusqu’à l’étouffement. Construites comme des tableaux, ces longues séquences immobiles au point d’une précision inouïe très � Manoel De Olivereine � rassemblent dix, quinze ou vingt comédiens au sommet de leur art : celui de l’écoute de l’autre jusqu’au plus infime frémissement.

L’écriture du scénario tragi-comique ne cède pas � l’explication généalogique, mais préfère traquer les attirances, les indifférences et les répulsions humaines. Charpente plus théâtrale que cinématographique dans sa narration tant les répliques se chevauchent, s’enchevêtrent avec minutie. Le passage de Ronit Elkabetz au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine n’est pas peut-être étranger � l’originalit� de cette dramaturgie�

Les sept jours réinvente l’appellation si galvaudée du film chorale car chaque interprète participe � cette œuvre tel un choriste attentif � l’accomplissement d’une partition collective. Parmi ce générique d’orfèvres embellis par le même élan, Simon Abkarian (Persepolis, Casino royale et dej� présent sur Prendre femme), Yaël Abecassis (Survivre avec les loups, Va, vis et deviens) et bien sûr : Ronit Elkabetz (Alila, Mon trésor, La visite de la fanfare). La Ronit. L’Elkabtez qui évolue entre La Callas et La Magnani. Ronit l’Epoustouflante. Ronit l’Ensorcelante. Ronit le Diamant noir désormais indispensable au septième art.

Benoit



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