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Le silence de Lorna

Sélection officielle - Compétition
Belgique


LA SOLITUDE DE LORNA





«- Je fais des macaronis jambon gruyère !»

Les frères Dardenne ont faillit nous surprendre. De la musique en bande sonore, un ton plus doux, plus sensible, plus mou aussi, mais moins agressif et moins méchant que les précédents films. On ne dénote qu’un seul hurlement, au début du film. Aucun scooter qui pétarade. Même l’héroïne, employée dans un pressing, est différente : coquette et jolie, positive, déterminée à changer sa vie.

Hélas, cette vulnérable Lorna ne méritera pas autre chose qu’une histoire glissant vers une folie incompréhensible, dans une surenchère de pathos où le fric et la came l’emportent sur les sentiments. Dans le cadre de ces mariages blancs, rien ne nous ait épargné : ni le crime, ni l’emprise sur les « employés ». Des individus qui servent de produits. On retrouve là tous les éléments fondateurs du cinéma socio-moral des doubles palmés. Mais le scénario (très facile et peu crédible) souffre de trop grandes ellipses qui nous font passer à côté de scènes essentielles. L’évolution même du comportement de Lorna, du volontarisme à la parano, subira quelques violents à coups comme pour faire avancer l’histoire au détriment d’une quelconque explication. Ce personnage aurait été servi par des précisions concernant ses intentions.

Elle est pourtant incarnée par une actrice séduisante, au jeu subtil. Arta Dobroshi profite de réputation des Dardenne comme de bons directeurs d’acteurs pour exposer toutes les couleurs de sa palette : la conscience de Lorna, les larmes de Lorna, Lorna qui respire fort… Personnage ancré dans la réalité, elle perd pied petit à petit et, de simulacres en mensonges, s’invite dans son propre monde virtuel, nous laissant, à l’écart, la regarder dans sa bulle. Ici, les gens s’enferment : dans leur taxi, dans leur appart, dans leur chambre, dans leur refuge. La peur de l’autre, la peur de ne pas résister aux tentations (les euros ou la dope) gagnent sur la confiance, fragile. Seul moment « humain » et généreux, cette mise à nue du faux couple (très bon Jérémie Renier), ce corps à corps (pas très sexy) soudainement désiré, apaisant la tension, effaçant la détestation. Le moment est crucial puisqu’il déterminera toute la suite du film, donnant la seule clef (ici on préfère les jeter par la fenêtre) qui nous permettra de comprendre les faits et gestes d’une jeune femme dépassée par les événements. On ne saura même pas pourquoi elle est renvoyée en Albanie puisqu’elle a obtenu la nationalité belge.

Mais, les frères Dardenne, toujours aussi cruels et pessimistes, ont, malgré tout, tenté de mettre un peu de chaleur et de lumière, d’amour et d’affection dans leur film. Dans ce monde qui s’effondre où chacun ne peut compter que sur soi-même, où personne ne s’aime, Lorna va chercher à se cacher des autres. Depuis un certain temps, sa vie, déjà, ne nous intéressait plus vraiment…

vincy



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