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La frontière de l'aube

Sélection officielle - Compétition
France


LES AMANTS PAS REGULES





« - Faut pas qu’on s’aime. Parce qu’on n’en sait rien. »

Un appareil photo argentique. Un Paris bourgeois aux appartements miteux. Un noir et blanc nostalgique. Rendons honneur à l'image magnifique de William Lubtchansky, entre hommage à Godard et référence à Cocteau. Mais l'esthétisation vaine ne suffira pas à nous happer vers une prétendue grâce poétique, trop ostentatoire pour être sincère.
Le film de Philippe Garrel accumule les poncifs et les clichés, le faisant lentement divaguer vers un délire proche du ridicule. Histoire d’une fulgurance amoureuse, sans amarres. Des dialogues insipides (« Tu sais je fais souvent des bêtises »), une comédienne à côté du rôle, une philosophie plus proche de la digression sur la résignation qu’une sagesse ou une morale critique. La frontière de l’aube n’est qu’une œuvre sur le regret, l’échec, le remord. Celui d’un cinéaste, peut-être, face à son époque, face à un passé qui n’aurait pas conduit où il le voulait, contraint de tuer le fils, tant le désespoir hante son film.
Celui-ci aurait pu éviter le grotesque si son actrice principale n’était pas aussi décalée : un jeu inexistant, un physique de star proche de la voisine de palier, un regard de film d’horreur dans une série B. Elle ne parvient pas à être convaincante dans le rôle de la lunatique alcoolo autodestructrice. Quant à l’acteur, le fils de, brun à la beauté sauvage, il fait ce qu’il peut dans un cadre trop rigoureux. Garrel junior a besoin de liberté, là on le camisole dans une chemise blanche ouverte et une veste noire, parfait prototype à la BHL du germanopratin chic et pseudo rebelle.
La mise en scène n’aide pas : tout le monde s’aime très vite, et en fait ne s’aime pas. L’abus de fondus au noir sert d’ellipses. Cette allégorie simplifiée, ponctué d’un songe onirique, et dérivant vers la fantasmagorie, nous ramène à un cinéma expressionniste daté qui nous laisse indifférent. Essai sur le romantisme absolu, dépendant du manque et de l’ennui, La frontière de l’aube ne s’élève jamais dans le ciel. Il nous laisse même à terre.
L’amour, la mort, l’amer, les sentiments se mélangent et fusionnent pour provoquer la jalousie, la possessivité, des émotions exacerbées et immatures, une aliénation et des hallucinations. L’amour rend fou. Encore faut-il croire en l’amour. Ici chimères désincarnées, les femmes sont toutes instables, infernales, invivables, fragiles. A vous rendre misogyne. Cette parabole sur la peur de se perdre soi, de perdre l’autre et sur le besoin viscérale de s’approprier quelqu’un pour ne pas être seul, s’avère aussi fantaisiste que peu sérieuse. Finalement, entre les conventions qui asservissent l’homme mais le rendent heureux, et la passion qui le soumet à une dépendance destructrice, Garrel choisit l’idéal au raisonnable sans jamais parvenir à nous convaincre de son choix. Peut-être n’avons-nous jamais cru à cette histoire, dès le départ, parce que son film trop classique, prévisible, déjà vu, déjà entendu, ne parvient jamais à toucher, à frôler même, l’absolu qu’il veut désigner, qu’il veut embrasser. Ici les gens s’embrassent mal en général.

vincy



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