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La question humaine

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 12.10.2007


PHENOMENOLOGIE CINEMATOGRAPHIQUE





Comment traiter toute cette masse d'informations ? (levant son verre) A l'Histoire !

Ne cherchez pas. A cette Question humaine filmée par Nicolas Klotz, il n’y aura pas de réponse. Nous sommes ici devant un film expérimental, intéressé en priorité par la forme. A partir du roman de François Emmanuel, le réalisateur a fait de son film une matière à ré-fléchir, une sorte de laboratoire de pensée. Que se cache t-il derrière l’image ? Comment être sûr que ce que je vois est la réalité ? (Descartes n’est pas loin…).
Bref une sorte de phénoménologie cinématographique qui s’intéresse à l’art de ce qui apparaît pour mieux en extraire la signification. Certes c’est un vrai bonheur de retrouver Michael Lonsdale et Mathieu Amalric, deux acteurs aux charismes étranges et magnétiques, déjà croisés dans Munich. Il est intéressant aussi de se plonger dans cette déconstruction de la perception en suivant le dérèglement formel imposé par le cinéaste. Dilatation ou rétrécissement du temps, décalage entre les images et la réalité, entre le mot et la chose, c’est toute la structure narrative classique du cinéma qui se trouve disloquée, manipulée à outrance. Tout cela à travers une mise en scène simple et dépouillée, souvent faite de plans fixes ou de champ/contre champ. Le film semble très marqué par le roman, en tentant de rendre cette matière littéraire de manière appuyée. En témoignent la voix off du personnage principal qui revient de manière régulière et le côté intimiste du film. Les procédés sont marqués si bien que le film perd en spontanéité et en légèreté.
Pour le cinéphile accroché, l’aventure, cependant, pouvait avoir du mordant. La question humaine représente une sorte de traversée cinéphilique, une expérience de cinéma contemporain qui entend réfléchir sur ce qui fait qu‘une chose est réelle ou pas. La ligne directrice de l’enquête menée par Simon suit cette recherche. Le directeur général est-il vraiment malade ou pas ? Sommes-nous vraiment dans cette entreprise (sortie de l’imaginaire d’un Orwell) au cœur d’un système totalitariste héritée du nazisme ?

Seulement voilà, cette ligne directrice (la science de l’apparaître) est tellement poussée que l’on frôle le vide ! Ainsi nous voilà embarqués dans une projection de presque 2h30 au terme de laquelle on ressort…lessivé ! En se désintéressant du signifiant, le cinéaste fait l’impasse sur la vocation de l’image. Aussi sommes-nous paradoxalement devant une œuvre désincarnée et désincarnante qui voulait pourtant mieux faire resurgir notre humanité. Klotz, en fait, n’est pas passé à côté de sa démarche. Il l’a poussé à l’extrême, en privilégiant la forme au point de faire surgir la lassitude chez le spectateur. Une vision du cinéma qui ne peut concevoir le film comme un produit de consommation…Mais, du coup, à qui s’adresse t-il ? Comment distribuer un film qui justement entend ne pas être un objet de distribution ? Peut-on aujourd’hui faire du cinéma en oubliant les enjeux économiques ? Autrement dit, on retombe dans le vieux clivage cinéma de masse contre cinéma d’élite. L’image n’est-elle pas tellement porteuse de sens qu’elle nécessite une conscience ? Le septième art serait-il réservé à une minorité intellectuelle et parisienne ou doit-il chercher la générosité du langage universel ? De nombreuses questions posées à chaque cinéphile averti ! Le sens de ce film était sans doute, avant toute chose, de provoquer la parole et de susciter une réflexion sur le cinéma. On peut dire que sur ce point là, l’objectif est atteint. Personne ne pourra rester indifférent à la Question humaine.

pierre



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