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david fincher

 

Zodiac

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 17.05.2007


D’IMPURES COINCIDENCES





«- Moi j’ai plutôt peur de ces hippies, avec leur amour libre et leurs drôles de nippes.»

Reconnaissons que David Fincher sait installer de la tension sans trop d’effets. Le trouillomètre est parfois très bien contrôlé en quelques plans, l’atmosphère nocturne aidant. Pour une fois les crimes sont discrets. Le sujet est ailleurs. Zodiac est une synthèse : traque (Alien, Se7en), machination ludique (The Game), on peut même s’interroger sur l’obsession que Fincher porte à ces cerveaux du crime. Ces reconstitutions précises, cette fascination des détails, cette exploration d’une zone floue située entre la preuve scientifique et l’intuition humaine, entre la vérité et les manipulations habitent tout son cinéma, proche d’un jeu vidéo réaliste.

Mécanique de précision
Il y a peu d’action dans Zodiac. Le film est d’abord une investigation journalistique (Robert Downey Jr), policière (Mark Ruffalo) et personnelle (Gyllenhaal). Trois chapitres, chacun porté par un personnage mû par la même ambition que le cinéaste. Leurs vies seront détruites. L’absence de justice, de coupable va ronger leurs propres certitudes, leur foi en leur métier. S’ils se passent le relais, épuisés dans leur quête, c’est évidemment Gyllenhaal qui va nous intéresser le plus. Au départ ce Candide, boy scout catégorie éclaireur (tout un symbole) est réservé, timide, et ne parvient pas à s’intégrer dans la rédaction qui l’emploie. Il cherche à se rendre utile, à s’inclure dans le groupe, à être reconnu tant pour son talent de dessinateur que pour ses éventuelles compétences intellectuelles. En fait Gyllenhaal et Fincher ne font qu’un.
L’obsession du personnage rejoint celle du cinéaste. Le réalisateur met la même ferveur, le même engagement à comprendre le crime à travers ses films que le dessinateur à trouver le visage de l’assassin. De fausses pistes en bons indices, on en viendrait à croire que Gyllenhaal enquête pour écrire un livre qui pourrait s’appeler Se7en. La méticulosité du protagoniste fictif est similaire à celle du réalisateur dans sa recherche : voir le criminel dans les yeux. Pas le juger, pas le jauger. Juste le voir. Fincher veut exactement la même chose : passer du portrait robot à l’être humain, de l’énigme mystérieuse à la clairvoyance, du fictif ayant existé au réel joué par un acteur. La menace fantôme avec laquelle il joue pour taper sur nos nerfs se mue alors en légende urbaine pour devenir enfin un coupable idéal aux crimes parfaits.

Quand le cinéma révélera l'identité d'un tueur...
Nul ne doute que Fincher aurait aimé être Robert Graysmith (le personnage de Gyllenhaal et auteur du best-seller Zodiac, qui révélait enfin l’identité du tueur présumé). Mais le cinéma a besoin de recul. C’est expressément dit à la sortie de Dirty Harry : « Ils en ont déjà fait un film »... alors que l’enquête était toujours en cours. Zodiac multiple les clins d’œil à cette époque cinématographique : Bullitt, French Connection, Les hommes du Président. C’est évidemment l’anti Dirty Harry, sans justice sommaire. Ironiquement, le film s’embourbe lors de l’enquête policière. La mise en place et le premier tiers ont un tempo idéal, alternant les meurtres et les cogitations. Mais tout le second tiers patine et rallonge, parfois jusqu’à l’ennui, les intrigues et interrogations. Film de « journalisme », il n’y a pas de place pour le romantisme ou le polar ; et pourtant il essaie de donner une dimension psychologique et sociologique à ces personnages un peu déjà vus. Vainement. Il faudra que Gyllenhaal, effrayé par sa bravoure stupide, reprenne le flambeau, en solo, pour faire redémarrer l’attention des spectateurs.
La mise en scène assez virtuose, l’architecture de San Francisco, le charisme des comédiens permettent de surmonter les temps morts et de se laisser happer par cette atmosphère modernisée d’une Amérique nostalgique. Cependant, il ne faudrait pas que l’obsession de Fincher se mue en désagrégation artistique. Que l’esthétique d’une époque l’emporte sur un regard plus contemporain. Certes l’hommage est beau à voir, certes l’audace de faire un film hollywoodien de cette trempe est à mentionner. Mais Zodiac, paradoxalement, est trop anecdotique, trop documenté pour dépasser son statut et son genre et devenir une œuvre qui aurait pu être un film noir, ou un film politique. Mais qui ne sait pas choisir, trop occupé à offrir le dénouement souhaité par son « héros ». Il fallait bien un compromis avec les codes hollywoodiens...

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