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festival-cannes.com

 

Les anges exterminateurs

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 13.09.06


Sex is tragedy





François, le personnage principal des Anges exterminateurs, fait inmanquablement penser à Brisseau lui-même. Un réalisateur apparemment sincère qui se laisse déborder par les événements et s'enfonce dans une quête vaine et démesurée : comprendre les rouages du désir et du plaisir féminin. Rien que ça...

C'est que Brisseau, le vrai cette fois, tient à dénoncer le tabou qui entoure la sexualité dans la société en général et au cinéma en particulier. "Le sexe est une zone quasiment vierge", déclare-t-il. Cette hypocrisie sociale lui sert alors de fil conducteur, de chassis sur lequel il bâtit tout un édifice compliqué… et branlant.

Tout, dans les Anges exterminateurs, donne en effet l'impression d'être outrancièrement mis en scène. Les entretiens avec les jeunes actrices, répétitifs. Les scènes crues, dénuées de la moindre spontanéité. Les échanges verbaux entre les différents protagonistes, surjoués et sonnant presque faux. Brisseau multiplie à l'envie ce type de bavardages même dans les moments les plus intimes. A aucun moment ses personnages ne se laissent réélleement aller. Ce qu'ils prétendent devant la caméra de François, ils le feignent en réalité devant celle de Brisseau. Leur loghorée continue contredit ouvertement cet abandon de façade.

La sexualitévféminine, au fond, Brisseau s'en fout. D'où l'incapacité de son personnage à en percer le moindre secret, son étonnant parti-pris de n'aborder que l'aspect lesbien du problème, sa difficulté à s'extraire d'un ton glacé et désincarné, sa manière d'enchaîner les habituels clichés masculins sur la question.

Justification, auto-critique ou provocation ?

Comme l'indique l'atmosphère onirique du début, nous sommes aux confins du fantastique, dans un monde de fantasmes. Tout est fantasmé dans les scènes apparemment très chaudes du film. N'y voit-on pas un metteur en scène s'ériger en démiurge omnipottent, dictant à ses disciples (car c'est bien de ce rapport-là qu'il s'agit entre eux) les scénarios qui lui passent par l'esprit ? Tout à la fois meneur de jeu tyrannique et figure paternelle, il s'enorgueillit de révéler ces jeunes femmesà elles-même. Tel un Dieu bienfaiteur et large d'esprit. Mais il ne ressort jamais rien de bon à se prendre pour Dieu. Les apparitions, coryphées modernes, punissent cet "hybris" et brisent l'homme qui a voulu dépasser sa condition.

Brisseau se défend d'avoir voulu raconter sa propre histoire, et pourtant la mise en abyme est suffisamment appuyée pour qu'on ne puisse s'interdire une lecture très littérale du film. Justification de ses actes, auto-critique, ultime provocation ? Son personnage, tout comme lui, se fait piéger. Pour autant, il ne nie rien de l'ambiguïté de ses choix, montre son double de celluloïd sans fard. Il en rajoute même un peu lorsqu'il filme l'attirance irrépressible des jeunes femmes envers lui, ou la mise en scène de véritables cérémonies sexuelles.

Alors, quoique le réalisateur s'en défende, Les anges exterminateurs a une vraie apparence de plaidoyer. Qu'ont applaudi les spectateurs dithyrambiques lors de la présentation du film à Cannes ? Le show d'un metteur en scène calomnié (celui qui parle en dernier a toujours raison) ou véritablement un objet cinématographique ? Les deux, peut-être. Toutefois, lorsqu'on occulte le contexte sulfureux du film, que reste-t-il ? Un film bloqué à la surface des choses, aux objectifs opaques et à l'hermétisme soigneusement entretenu. Une œuvre étrange que l'on ne sait, au final, comment recevoir, tant elle échoue à provoquer la moindre émotion. Le trouble devient gêne, l'intérêt se fige, l'expérience tourne court.

MpM



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