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The Brown Bunny

Sélection officielle - Compétition
USA


GALLO AU PETIT TROT





Ca vit combien de temps un lapin ?
- 5, 6 ans …
- Même avec un régime spécial ?
- Oui…


La passion de Vincent Gallo pour les deux roues était jusqu’ici assez accessoire dans la conscience des cinéphiles. Elle ne l’est plus désormais… Ceux qui se sentiraient peu concernés par la marotte de l’acteur, musicien, producteur,… photographe, risquent en revanche de regarder végéter les aiguilles de leur montre. Film concept, caprice d’artiste, The Brown Bunny témoigne une fois de plus de l’entêtement à toute épreuve de celui qui avait déjà révélé avec son premier long, l’attachant Buffalo’66, ses penchants monomaniaques ainsi qu’un certain narcissisme contrarié des plus spectaculaires. De facture assez classique, Buffalo’66 était raisonnablement abordable dans son écriture intimiste. Il en va tout autrement pour le second coup d’essai pour lequel Gallo affiche une volonté de prendre beaucoup plus de libertés avec les conventions de la narration. The Brown Bunny est en effet une œuvre qui ne s’offre pas docilement. Gallo est de tous les plans, mais il semble ailleurs. Il n’a pas grand-chose à transmettre, son personnage parait salement déprimé. L’essentiel de la première heure du film consistera donc à voir défiler du paysage à travers le pare brise crasseux de la voiture, façon leçon de code d’une auto-école. Une performance au sens artistique du terme qu’on est plus habitué à contempler au sein d’une galerie branchée. Bien sur le parti pris se justifie totalement par le propos de l’œuvre, ainsi que par son dénouement. L’humeur du protagoniste conditionne subjectivement et totalement le déroulement de l’histoire. Mais il reste qu’au-delà de l’ « exploit », l’homme orchestre cinématographique se heurte méchamment aux limites de son art.
Ennuyer volontairement le spectateur ne pardonne pas, car ce dernier n’a pas le choix de se soustraire à l’œuvre (quand on paye sa place, on n'a pas envie de se barrer...) sans en perdre l’essence globale de la continuité (la contrainte est aujourd’hui définitivement brisée avec le DVD et le chapitrage). Gallo joue abondamment avec cette contrainte, mais avec un déséquilibre criant de générosité. Car il se rattrape le bougre et c’est ce qui est le plus fort, en tout cas qui sauve son projet du naufrage le plus total. Sa scène d’amour désespérée marque par son intensité (oui, ceci est bien une pipe, mais on s’en fout), sa sincérité naïve, sa poésie et éclaire le laborieux périple passé d’un jour nouveau mais bien trop tardif.
Avec son film flingué, qui se boucle précipitamment par un gros point final en forme de grosse tâche d’encre , Gallo se fait plaisir en égoïste, mais finalement offre quelque chose d’inhabituel et d’accessible compte tenu de la simplicité basique de son récit, digne des lyrics d’un morceau rock. Il y a des convictions assumées avec candeur et dérision, une envie d’expérimenter avec ses moyens modestes, de concrétiser les idées avec un souci extrême d’intégrité. Un film à part, à contre sens.

(PETSSSsss)

PETSSSsss



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