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Transylvania

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France


L'AMER AU VENTRE





« La musique c'est pour la vie. Pas pour se faire mal »

Derrière le drame, reconnaissons que cette histoire de gens du voyage - voyage improvisé - à quelque chose de magique. A la poursuite des comètes Kusturica ou encore Fati Akin. Contre toute attente, on retrouvera d'ailleurs Birol Unel proche de son rôle dans Head-On.
Insaisissables richesses des êtres. Inégalables Asia Argento et Amira Casar, chacune tour à tour femme de tête, femme déchue, poussée par le vent et décadente. Deux femmes qui prendront leur destin en main, si tant est qu'il y en ait un. D'autant plus sensibles et vulnérables. L'aventure passionnera. Très indépendamment, l'homme, quant à lui, ne saura jamais se trouver, fera erreur, déclinera son imagination à foison et souvent à tort. Un moyen aussi d'anticiper, de dépasser ses propres peurs. Il sera plus aisé pour Tchangola de rêver que Zingarina l'abandonne, plutôt que d'écouter ses désirs les plus enfouis à noyer dans l'enivrement. Comme il est facile de rationaliser ou encore ironiser sur l'amour ! « - Et toi, qu'est-ce que tu fais sur la route ? - L'Or ! (...) Je cherche l'amour. », « Le monde est rempli d'amour ». Et justement, nous sommes ici au bout du monde...

En ces contrées vierges, plates et enneigées, en ces hameaux brumeux et territoires industriels où la misère est reine ne comptent que la musique, la modestie et la liberté à l'état sauvage. De ces enfants endurcis qui ont grandi dans la rue et n'ont appris que trop prématurément à faire des choix. De ces humaines leçons de survie forcées. Transilvania ne tergiversera pas. Parce que nos tripes portent la vie. Parce que la souffrance, quelle qu'elle soit, est toujours intolérable. Parce qu'on veut simplement accompagner l'autre. Transylvania est un délicat voyage initiatique. Naturellement aussi, un nouvel hommage à la magie du monde tsigane, seul univers qui viendra sauver notre héroïne. On appréciera le regard bien plus irisé du cinéaste que celui précédement offert avec Gadgo Dilo. Que d'enthousiastes mélodies, bienheureux groupes de musiciens et chanteurs qui l'accompagneront et nous porteront, à mesure que son ventre grossi.

Une nouvelle histoire d'exil pour le réalisateur, forcément une histoire d'éclosions (le thème est décidément très tendance actuellement - attention aux excès), de transitions et de transmutations partagées en duo. Tony Gatlif ira jusqu'à composer sur les afflictions et séquelles de l'alchimie. Peur de l'abandon, évasion dans l'excès, de ces chaotiques mouvements de foule au delirium en passant par l'enivrement, l'assourdissement et, cela va de soi, l'auto conditionnement, l'auto aveuglement : reconnaissons que Transylvania peinera à trouver juste mesure en matière de psyché et extériorisations. C'est fort dommage. On regrettera ces surplus de pathos : un foetus dessiné sur le ventre de Zingarina qui vient se mélanger à son significatif et incontournable tatouage (une divinité ailée) ; un charlatan homme de foi exorciste pour la libérer ; l'obsession de notre héroïne pour les démons et sorcières en ses instants les plus malheureux ; ce refuge dans le dénie (« Qu'est ce que tu m'as mis dans le ventre! ») et, bien sur, l'isolement (« Seuls toi, moi et les chiens aiment les tsiganes! »). L'extériorisation en catimini nous aurait paru autrement plus enchanteresse qu'un (et pour condenser), « Tu joues avec la vie ». Passons. La sobriété de Tony Gatlif à la mise en scène viendra modérer. Pointons plutôt ces pics d'humour ci et là, vieillard épaté devant femme occidentale ou encore ours brun mateur de fougueux ébats sur un capot de voiture.

Un carnet de voyage, de partage. Un manifeste sur l'essence de l'être, au-delà des âges et frontières. Une variation sur la liberté et la volonté. Sur ces choix qui reviennent à chacun. Parce que Transylvania ne fait que conter l'histoire de celles et ceux qui se battent comme s'abandonnent simplement pour « être comme les gens heureux ».

Sabrina



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