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Buenos Aires 1977 (Cronica de una fuga)

Sélection officielle - Compétition
Argentine


LA MANIERE FORTE





"- Moins vite tu parleras et pire ce sera."

Avec un traitement certes convenu pour ce genre de fiction documentarisée (caméras à l'épaule, lumière saturée, montage saccadé), cette chronique d'une fugue authentique, au récit épuré, redoutablement efficace est un électrochoc bienvenu.
Caetano divise son témoignage en deux parties : la destruction et l'évasion. Si la seconde est bien plus intense et haletante, l'ensemble démontre à quel point l'homme est un loup pour l'homme. Notre humanité est ici reniée dès le début puisque la parole est défiée, méfiée, et que seul compte la raison du plus fort. Le film s'imprègne ainsi d'une bestialité effrayante, que le cinéaste sauve grâce un mysticisme assumé. La foi comme seul motif d'y croire, même dans le noir?
Face à ces hommes aveugles (lunettes fumées, allures de cowboys ou de maffieux), les terrorisés (des gauchistes ou des innocents) n'ont plus qu'à prier, et croire à une forme de sanctification. Le premier colocataire de cellule sera libéré (sauvé) grâce à ces belles paroles bibliques. Le manoir a un aspect ésotérique de films d'horreur. À l'intérieur, c'est d'ailleurs l'horreur. Pour conjurer la barbarie, le cinéaste place ses quatre "héros" d'un jour (le 121ème de leur détention!) allongés, nus, attachés à leur lit, bandeaux au dessus des yeux. Positions christiques. Icônes de la souffrance. Sublime.
Là nous voyons que de simples images peuvent dépasser un simple propos. Le cinéma prend sa dimension messianique et psychanalytique. Bien sûr l'émotion est un peu glacée. Ces hommes (fra)cassés n'ont plus rien à transmettre : nous ne pouvons qu'espérer.
Les sadiques sarcastiques de la Junte militaire font des méchants idéaux. Persuadés d'être dans leur droit, gratuitement violent, pilleur et amoraux : il est facile de les détester. Surtout qu'en ces temps là, ça balance pas mal à Buenos Aires. Après 40 minutes, 4 mois sont passés de l'arrestation d'un gardien de but qui ne sait pas encaisser les coups et le moment où un groupe solidaire, fraternel, nu dans l'adversité va se transfigurer. Les gros plans, des visages à la loupe, des cadres en biais, la direction artistique permettent à cette histoire d'être perçue comme un souvenir hallucinatoire, un mauvais rêve. ce qu'il est 30 ans après.
Avec une musique qui n'anticipe jamais les événements mais au contraire y colle avec fidélité, l'oeuvre évoque autant le courage que notre soumission. Ces quatre "Jésus Christ" se métamorphoses en singes sitôt échappés de ce laboratoire d'expérimentation.
La petite évasion est pourtant une merveille de précision rythmique. Sobre. Si bien que Caetano signe un film à la Greengrass, entre panique et détermination (voir Vol 93) sans oublier le propos politique, social et humain. Impeccable, implacable.

V.



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