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L'ami de la famille (L'amico di famiglia)

Sélection officielle - Compétition
Italie


ITALIAN DEMAGO





« L'être humain a tendance à mettre ses mains dans ses poches. »

Le nouveau Quasimodo. Et ce n'est que le début. Un « monstre ». Le mâle impuissant, encore et encore. Leçons de démagogie, mauvaise foi et avarice : « La démocratie a envoyé balader les bonnes habitudes », nous assurera-t-on. Apologie de l'homme robot au coeur de pierre ? Peu importera ici puisque « Le monde est plein d'idiots ». CQFD ? Le comble de la vanité lorsqu'il s'agit du crépuscule de notre vie. Un tour sur terre pour rien ! Vil, primaire, négatif, égocentré, personnel, inerte tout en faisant la leçon : notre vieil héros n'aura rien appris soixante-dix années durant, rien fait de sa vie sauf empoisonner celle de son prochain parce qu'il se sera lui-même coupé du monde. On croira un temps au mea culpa. « Toute ma vie j'ai poursuivit la belle phrase », « Je suis un malheureux mesquin ». En vain... « Le temps est un tyran ». Paolo Sorrentino nous emmène sur cette voie toute tracée qu'est l'animalité des êtres. Sa réflexion en serait presque mathématique ; géométrique, de toute évidence, à voir ces lignes, recadrages, recentrages, perspectives, calcul d'espaces, gestion des trois dimension, courbes, abscisses, ordonnées, diagonales et mouvements dans leur globalité qui crèveront l'écran à chaque plan.

Captures d'intérieurs, traverses d'impossibles extérieurs : le réalisateur suspend le temps dans son envol... Un ballon de volley figé dans les airs, un regard tant perçant qu'immuable, des êtres statufiés. La caméra de Sorrentino viendra à elle seule animer - réanimer - chacun des personnages. Tous chercheront à trouver un sens à leur vie. Trouver un sens : c'est déjà énorme nous semble-t-il ici. Alors donner un sens... Imaginez ! Là, c'est une autre histoire ! Dès son générique d'ouverture en lui-même somptueux (et doublée de cette sublime BOF qui nous accompagnera tout au long du film) - le réalisateur nous aspirera usant des plus vieilles recettes de la photographie et de l'image animée pour nous magnétiser mais faisant preuve d'un tout particulier sens de l'harmonie, toutes images, sons et tempos confondus. Chaque plan, sans aucune exception, sera une vraie perle. Paolo Sorrentino à la recherche du nombre d'or ? Assurément, oui. L'intention sera d'autant plus louable que le cinéaste ne fera que composer sur l'absolue médiocrité de ses contemporains.

Images et âmes néo-réaliste, passion nouvelle vague, jeux chromatiques dans le sillage d'un Kar Wai ou d'un Wenders, lyrisme de mouvements et rapport à l'art proches de Resnais. La vie en vert, en rouge, en jaune, en monochrome, en palette irisée du bitume aux nuages, le temps de deux éternels tours de cadrans. La vie inspirée de ces décors d'ailleurs : la Grèce Antique, l'Espagne passionnée, le Far West cow-boys et country. Et, définitivement, l'Eden, la nature, tous ces « plaisirs du paradis » - de l'amour à la plénitude en passant par la liberté (oh archétype du beau cheval libre au galop) - auquel notre vieil homme ne s'accordera jamais droit, trop misanthrope et rebuté pour oser se souiller avec l'autre, avec sa seule existence. Passons, respirons ! Allons vers ces contrées pures ressurgies de l'Histoire. Que de contrepoints pour appeler notre réactivité, de l'engouement à l'aversion. Homme enfant, personnalité tendrement horrifique : l'humour viendra naturellement ponctuer le récit. Il n'aura d'égal que la radicalité de Sorrentino. Rien qui ne vaille ainsi notre adhésion. Même utilisé à bon escient, l'excès pur et dur ne peut fonctionner s'il s'agit simplement de faire courir le spectateur.

Retour aux sources, à l'enfance, aux racines : pour avancer notre antihéros devra encore tuer le père et couper le cordon. A soixante-dix ans, qu'en faire ? Certes, mieux vaut tard que jamais. Reste que pendant ce temps là, nous resterons d'autant plus dans l'expectative. Dans l'attente d'un semblant de morale pour nous, spectateurs et cinéphiles, demandeurs aussi de connaître le pourquoi et devenir de cette histoire d'amour au-delà des clivages générationnels, impatients de comprendre cette histoire d'amertume et coeurs blindés qui, reconnaissons, dépassera l'entendement... L'on finira même par se lasser de la mise en scène du cinéaste, davantage perçue à mesure des minutes comme un vecteur compensatoire. Décevant cette fresque qui toute somme faite ne fera que poser cette unique question : comment « avoir le courage de changer sa vie ». Après deux heures de mésaventures malsaines et tours pathologiques, c'est plutôt light.

Sabrina



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