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Interview de Niki Karimi
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Yek Shab (Une nuit) (Yek Shab (Une nuit))

Certain Regard
Iran / sortie le 04.01.06


DES MAUX, RIEN QUE DES MOTS





"Qui sommes-nous pour être à quelqu'un ou appartenir à quelqu'un d'autre ?"

Un road movie urbain, nocturne et âpre si loin des poncifs orientaux qu'il nous est proche. Téhéran la nuit, ses rues désertées, sa jeunesse désœuvrée, ses aînés retranchés dans leurs derniers cocons. Un appartement, une voiture, des ombres et lumières tamisées, la vie défilant au fil des travellings… Grands axes, étroits passages : pour son premier long métrage, la comédienne Niki Karimi dresse un captivant portrait social. Une toile dont la monochromie n'aura d'égal que sa richesse en nuances, tonalités et dialogues sans fard. Quelque peu convenu, dira-t-on à juste titre à certains moments ; bancal sur son dénouement, le film restant cristallisé sur ces notions bien tragiques que sont la dualité et l'engrenage conduisant à sa propre perte : l'aube, son lot de retour au réel et d'amertume, après un éventail de mouvements définitivement élancés. Assurons que rien n'était gagné. Avec des thèmes comme la solitude, le désir d'affranchissement, le poids des schémas sociaux, l'inégalité entre sexes et générations, il est toujours risqué et bien plus aisé de composer dans le mélodrame. Usant d'un traitement en filigrane, Niki Karimi déjouera tous les pièges du genre, allant jusqu'à défier certains sujets blindés tels que la sexualité des aînés, l'aliénante vie conjugale, la possession de l'autre ou encore l'excès passionnel.
Construit tel une série de trois variations sur un même thème - celui de l'errance - et invariablement centré sur la notion de dialogues - dialogues in, dialogues entre personnages et témoins, nous spectateurs, Une nuit cible l'unicité des êtres et situations pour bâtir sa réflexion. Dans ce Téhéran désincarné, chaque rencontre amènera de très intérieures découvertes. L'autre, le fait d'être, de partager, le fait de vouloir être et d'avoir, la vie, ses possibles ascensions et effondrements, soi : autant de territoires universels enrichis d'itinéraires si particuliers à emprunter. Ode à la femme, qu'elle soit mère, fille, claustrée, affranchie, parfaite épouse ou adultérine. Hommage à la masculinité, à l'homme voué à s'ouvrir s'il ne veut pas s'effondrer. Niki Karimi commencera par décortiquer les clichés les plus rétrogrades, alliant délicatement poids des schémas les plus archaïques et médiocrité des temps modernes. Culture patriarcale, légèreté machiste : "Quand on ne sait rien de l'autre, on n'a pas d'a priori". Entre inconnus, on ira droit aux failles, souvent les plus béantes, pour n'en tirer que le meilleur. Hommes brisés, amers, écrasés par les contradictions sociales : la réalisatrice signe un émouvant portrait, construit en toute finesse, riche en élans dramatiques du dessin en catimini à de franches explosions. Propos et traitements resteront centrés sur ces choses qui sonnent vrai. Notre sensibilité éveillée, on oubliera nombre d'inconstances usant à trop fortes doses de symbolisme et situations manichéennes. De bien encourageantes perspectives qui viennent réaffirmer l'émergence d'un nouveau cinéma iranien. Nouveau langage, nouveaux codes, nouveaux objets : la relève après Kiarostami ? A voir.

Sabrina



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