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Travaux, on sait quand ça commence... (Travaux, on sait quand ça commence... - Travaux)

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 01.06.2005


SIFFLER EN TRAVAILLANT





« Le BTP, c’est pas fait pour les femmes »

Oyez truelles, pelles, brouettes et marteaux ! Bétonnières, ciment et autres enduits sont de sortie et tiennent la vedette dans ce joli petit film de Brigitte Roüan. L’entreprise était au départ pourtant quelque peu risquée : mettre à l’affiche Carole Bouquet en compagnie de Jean Pierre Castaldi et surtout d’Aldo Maccione , c’est faire tout de même preuve d’une certaine audace… (surtout que Bernard Menez fait également partie de la distribution) Et bien surprise : ça marche. Frais et léger, grave et profond, ce film vient comme une bonne bouffée d’air frais dans un cinéma français un peu atone. Le scénario peut sembler pourtant mince : une avocate un peu altermondialiste, Chantal (Bouquet) entreprend des travaux dans son appartement afin de le rendre impraticable pour dégoûter un client à qui elle vient de faire gagner une affaire, Frankie (Castaldi) tombé amoureux d’elle façon « pot de colle ». Le tout en défendant une famille africaine menacée d’expulsion. Sur cette base se développe une histoire plaisante, réalisée agréablement et interprétée impeccablement. Les personnages sont savoureux ; l’architecte colombien sans papiers engagé par l’avocate, outre son accent délicieux, est une vedette à lui tout seul : pris par une folie des grandeurs, par la joie de sa première réalisation en Europe il propose des travaux délirants qui pousseront un peu plus loin à chaque fois la destruction de l’appartement. Tous les ouvriers engagés (quatre colombiens sans papiers, un africain, un maghrébin, un italien) pour exécuter ces « travaux » forment tous une galerie de portraits jubilatoire : un chef de chantier (Luis) distrait et presque gamin, un autre chantant tout le temps des chansons sud-américaines, Salvatore (Aldo Maccione) en carreleur star et trop sûr de lui, le jeune Betamax qui séduit la fille de Chantal, jouée par Guilia Dussollier. Et tout le reste est à l’avenant, comme l’ouvrier africain Condé (Lassina Touré) qui arrive le matin en costume cravate et souliers bien cirés et qui arrive avec son bleu de travail dans une housse à vêtements… Mais au-delà de la première réaction, celle de rire, on prend conscience subtilement, par petites touches, que ce film est aussi social et pose de vraies questions. Le scénario est à plusieurs niveaux que l’on peut déguster ensemble : une bande de joyeux drilles, sorte d’Arche de Noé multiculturelle, investissant un appartement avec le désir ardent de se rendre utiles parce qu’étrangers, la difficulté de vivre seule pour une femme d’un certain âge de nos jours, les problèmes de racisme et de logement (qui sont ici les mêmes). On rit mais parfois jaune tant la caméra de Brigitte Roüan sait saisir un regard, une attitude, un geste, le tout avec le silence qu’il faut quand il le faut. Carole Bouquet est parfaite dans ce rôle, rayonnante, en femme fragile et « vamp » qui n’hésite pas à jouer de ses charmes pour plaider en faveur des causes qu’elle défend et son numéro de comédienne est un vrai bonheur pour nous, spectateurs. Quand on la voit, on a du mal à se dire qu’elle fut une James Bond Girl…Castaldi, après nous avoir gratifiés de ses imbécillités grotesques à la télévision, campe un amoureux transi parfait et beauf à souhait (rien ne manque, de la chaîne voyante autour du cou aux excès vestimentaires…), tout comme Aldo Maccione, pourtant lui assez sobre et faisant du Maccione discrètement même si un clin d’œil aux personnages qui l’ont rendu célèbre n’est pas évité en forme de boutade…. Film d’échanges entre êtres humains : entre gens du Nord et gens du Sud, mais aussi plus simplement entre hommes et femmes, tout comme autour de la nourriture, de la musique… Sensualité de presque tous les instants. Produit par le regretté Humbert Balsan, le troisième film que nous offre Roüan est un petit bijou de fraîcheur, simple et limpide où l’on retrouve le plaisir de se laisser séduire et porter par une histoire dans laquelle on rentre tout de suite.

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