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Lemming (Lemming)

Sélection officielle - Ouverture
France / sortie le 11.05.05


PIEGES EN INTIMITE





"- Vous pouvez faire de moi tout ce que vous voulez."

Harry… n'était résolument qu'une paisible virée entre amis. Des singes volants à cette histoire de lemming ressuscité, Dominik Moll a concrètement franchi le cap d'un film profusément obscur. Bien plus noir qu'Harry…, bien plus cadencé et inquiétant aussi, Lemming est un thriller fantastique ouvertement proche de Lynch et son Lost Highway, style et décors à l'appui. Naturellement, la touche, quant à elle, reste bien française. N'ambiance n'en est pas moins vaporeuse et subtilement énigmatique. Moll se joue d'échos et univers parallèles pour glisser vers le fantastique. Mondes réels ou cauchemardés ? Au spectateur d'interpréter. Plusieurs lectures sont ici possibles ; certaines fonctionnent mieux que d'autres. Un risque assuré pour Dominik Moll, donc, avec ce scénario délicat, supporté par une bonne mise en scène de genre, prenante mais en elle-même bancale, un certain mimétisme venant localement gâcher notre plaisir. La volubilité viendra du son, appliqué à traduire le mental des protagonistes et le faire éclater là où on ne l'attend pas. Une composition résolument haute en figure de style : limites scénaristiques ? Ponctuellement, oui. Rien de sévère. Le réalisateur s'en sort particulièrement bien, Lemming restant modéré via un minutieux tressage de genres.

Hommages au jeu d'acteur, bien sur, notamment au trio Gainsbourg-Lucas-Rampling qui supporte brillamment toute la complexité d'un haut huis clos psychologique. Deux femmes, un homme, tous trois scindés. Un trio aussi prenant qu'inattendu. André Dussolier, quant à lui, égal à lui-même, reste quelque peu en marge. Centré sur son duo féminin, Lemming est une toile féline se jouant à la fois de sensualité et d'hystérie pour nous entraîner au fins fond de dédales mentaux les plus prolifiques. Partant d'un transfert de névroses entre la jeune Bénédicte (Charlotte Gainsbourg) et la quinquagénaire suicidée Alice (Charlotte Rampling), Dominik Moll place ses personnages sous influences parasites pour développer toute une gamme de faits et ambiances surréalistes. Confusions, dualités entre réel et imaginaire, situations en échos, personnalités aliénés : Lemming déploie bien des arguments pour accrocher notre intérêt. L'inquiétante étrangeté au sens freudien du terme et toute sa puissance narrative, au service d'un film se jouant de chimères, obstacles, ré-envolées et relations fusionnelles pour une cavale psychologique finement imaginée. Certains sentiers nous paraîtront vains. Au programme : perte de self-control, fragilité et dualité. Des faits plus ou moins porteurs, toujours selon l'axe de lecture que l'on choisit de suivre. Point fort : aussi volontairement confus soit le récit, Dominik Moll use d'un langage direct pour justement multiplier ces vraies et fausses pistes. Lemming embrasse ce territoire des fantasmes et désirs humains les plus ardents (adultère, folie meurtrière, vengeance froide) pour nourrir ses sujets de comportements instinctifs. Instinctifs ; par-là même tangibles, spontanés, peu à peu irrationnel. Tensions construites en catimini, jeux de reflets, projections et surimpressions, dangers et sentiments d'urgence : tout est là pour un film habilement nuancé, teinté d'humour en son ouverture et de lyrisme en son sein. Pour son troisième long métrage, Dominik Moll a ciblé haut. Il lui revient désormais de continuer sur sa lancée, pour un cinéma concrètement démarqué.

Sabrina



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