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Production : Hubert Bals fund, arte france, Tarantula, Essential
Réalisation : Carlos Reygadas
Scénario : Carlos Reygadas
Montage : Benjamin Mirguet
Photo : Diego Martinez Vignatii
Distribution : Bac films
Son : Gilles Laurent
Musique : Tavener, Bach
Durée : 95 mn

 

Marcos Hernandez : Marcos
Anapola Mushkadiz : Ana
Berta Ruiz : la femme de Marcos
David Bornstein : David

 

festival-cannes.com
site officiel
Japon

 

Batalla en el cielo (Batalla en el cielo - Bataille dans le ciel)

Sélection officielle - Compétition


Carlos Reygadas, à 34 ans, est, avec Inarritu, l'une de ces figures de proue du cinéma mexicain, en plein boom artistique. Il y a trois ans, le Japon avait reçu 7 nominations aux Ariel (les Oscars mexicains) et ramené l'Ariel de la meilleure première oeuvre et celui du meilleur scénario. A Cannes, le film, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, avait reçu une mention spéciale par le jury de la Caméra d'Or. Le festival d'Edimbourg l'avait primé à titre de nouveau talent. Et ainsi de suite dans de nombreux festivals... Le film n'avait cependant séduit que 60 000 spectateurs en France, son plus gros "marché" (comparativement aux 50 000 entrées au Mexique, par exemple).




Bataille dans le ciel, sorti dans le chaos automnal sur 80 copies, malgré une affiche aguicheuse (une femme, seins nus déployés), ne devrait pas faire mieux. "Conflit d'un être humain, tiraillé entre ses actions et sa nature," selon les propos de Reygadas, le film aborde la religion, la misère, la sexualité, les relations humaines, l'argent, l'insécurité... "Je montre la chair, les cheveux, les liquides et la lumière. Et le film tourne autour de ce désir de sentir, de connaître, d'être là, d'être conscient."
Il retrouve ainsi son comédien Marcos Hernandez. "Il a travaillé avec mon père au Ministère de la Culture. Je lui ai demandé de jouer un petit rôle dans Japón, et c'est alors que j'ai pensé à lui pour mon nouveau film. Il était parfait pour incarner ce personnage tourmenté par un conflit interne car j'avais besoin de quelqu'un d'introverti, doté d'une forte présence et d'un vrai mystère. J'aime prendre les comédiens de mes films comme ils sont, comme s'ils étaient une lumière dans l'eau, un arbre ou une belle peinture. C'est la caméra qui vient ensuite capter l'intérieur des êtres. Marcos ne représente rien, il se contente d'être. Mon comédien idéal." Il détaille sa méthode : "les acteurs de Batalla en el cielo n'ont pas lu le scénario et ne connaissent donc pas les intentions de leurs personnages. J'aime obtenir le jeu le plus naturel possible -ou plus précisément l'absence de jeu. Dans le cas d'Ana, j'ai même modifié le rôle en fonction de sa personnalité et de sa façon d'être. Quand quelque chose m'attire chez une personne, je construis le personnage autour de ce qui a déclenché l'attraction. La matière humaine prime. J'aime par ailleurs les situations imprévues et je suis souvent surpris par la spontanéité des amateurs."
Quel professionnel aurait accepté la scène "choc" d'une fellation (une pipe pour ceux que le mot semble vulgaire) pas vraiment simulée et bien zoomée. Pour Reygadas le tabou est ailleurs. "Voir une jolie jeune femme aisée pratiquer une fellation à un homme âgé et pauvre peut réellement déranger une partie du public. Superficiellement, le choc est esthétique, mais le tabou est en fait plus profond. Il réside dans la différence sociale. Si l'homme était un riche trafiquant de drogues, personne ne s'en étonnerait, la fille passerait pour une prostituée. Je ne provoque pas gratuitement mais pour déclencher des sensations franches chez les spectateurs." Soit. Pas forcément convaincus, les spectateurs occidentaux n'y verront essentiellement qu'un fantasme hétéro basique et macho : un mec adipeux et laid se faisant du bien avec une bombe sexuelle. Mais pour Reygadas, "l'acte sexuel est lié à la foi". Et basta.
S'inspirant de Rome Ville Ouverte, de Roberto Rossellini, ce Mexico, ville fermée se définirait comme un film au réalisme magique. Pas sûr que ce soit magique au Box Office. A Cannes, le film est reparti bredouille malgré les éloges dithyrambiques d'une certaine presse - encore crédible? - très déconnectée du plaisir habituel des spectateurs et cinéphiles.

vincy



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