Production: Catherine Bailey, Samuel Hadida, David Cronenberg
Réalisation: David Cronenberg
Scénario: Patrick McGrath d'après un roman de Patrick McGrath
Montage: Ronald Sanders
Photo: Peter Suschitzky ASC, BSC
Décors: Andrew Sanders, Clive Thomasson
Costumes: Denise Cronenberg
Son:
Musique: Howard Shore
Durée: 98 mn
Ralf Fienes: Spider
Gabriel Byrne: Bill Clegg
Miranda Richardson: Yvonne, Mme Cleg, Mme Wilkinson
Lynn Redgrave: Mme Wilkinson
John Neville: Terrence
Bradley Hall: Spider enfant
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Spider

Canada / 2002 / Sortie en salle 13 novembre 2002
Sélection officielle /Présenté en compétion le 21 mai 2002

Spider,schizophrène, a passé une grande partie de sa vie enfermé dans une cellule capitonnée. Loque humaine, il rejoint Londres, la ville où il a grandi, pour tenter de retrouver un semblant de vie normale. La familiarité des lieux vont d’abord l’aider à remettre un peu d’ordre dans sa mémoire chaotique.
L’histoire de Spider est tirée à l’origine d’un roman de Patrick McGrath. L’auteur, qui a déjà travaillé pour le cinéma sur l’adaptation d’un précédant livre (The Grotesque), se chargea de l’intégralité de l’écriture du scénario.
Séduit par le personnage et la performance d’acteur qu’il laissait présager, Ralph Fiennes fut longtemps attaché au projet avant que celui-ci ne trouve un réalisateur pour le porter à l’écran.
Cronenberg, président au palmarès naturaliste contesté, représente à lui seul un chapitre de l’histoire cannoise. Sa vision ciné du roman Crash de Ballard lui valut un prix spécial du jury en 96.
Le tournage de Spider se déroula en deux temps et sur deux continents. Extérieurs et pubs se tournèrent à Londres et ses environs tandis que les intérieurs (centres d’accueil et maison d’enfance) furent reconstituées dans des studios de Toronto, quitte à devoir rapatrier des éléments variés et typiques de Grande Bretagne, comme un style papier peint qui fascinait particulièrement le réalisateur canadien.
 

Ramasse miettes

Vous allez me ramasser ces pièces de puzzle jusqu'au dernier morceau Mr Cleg

Œuvre austère et radicale dans sa démarche, Spider risque de décevoir ceux qui en attendaient trop. Exercice de style analytique se réduisant à un fait divers, plus qu’ouverture sur une véritable odyssée psychotique, l’entreprise frustre lors de sa conclusion somme tout assez prévisible. Le film ne se livre pas facilement, ne développe aucun véritable rapport de séduction avec le spectateur. C’est une habitude chez Cronenberg, cinéaste chirurgical qui se plait à autopsier les couches de perception de l’être humain plus qu’à flatter ses propres sens. Mais la démarche artistique est pourtant forte.
Au moment où Spider surgit sur le quai de gare, comme rematérialisé dans notre réalité, on est ailleurs. Avec une économie dans d’effets, Ralph Fiennes nous scotche littéralement. Regard perdu, son corps semble avoir perdu ses qualités de contenant et l’esprit de l’homme irradie hors de son enveloppe charnelle, comme une centrale atomique en phase critique, actionnant ses membres de mouvements abstraits, traçant des caractères ésotériques. La vie de Spider est arrêtée, il a perdu contact avec son passé identitaire, comme un réveil mécanique dépourvu de sa clé. Le réalisateur a merveilleusement rendu dans ses partis pris de mise en scène l’aspect des visions d’esprit du perturbé. Photo étalonnée de verts et de bruns, la lumière qui jaillit dans les plans semble vitrifiée. Le peu de mouvements dans le champ finit de signifier les souvenirs du schizo, tout comme leur fragilité.
On peut critiquer en toute subjectivité la présence omniprésente à l’écran du personnage central, tout comme on peut estimer que cette systématisation narrative est un bien nécessaire pour suggérer le caractère obsessionnelle de la quête du malade et que son positionnement à l’image offre souvent des perspectives étranges.

En fait le plaisir que vous prendrez à cette exploration mentale dépendra de l’attachement que vous procurera ce curieux individu. Il ne s’agit pas ici de John Malkovich, mais bel et bien d’une machine humaine gravement en panne qui n’a pas grand-chose d’autre que ses pénibles introspections à offrir aux spectateurs. On aurait aimé en apprendre plus que son simple passé, que Cronenberg nous embarque plus loin dans l’exploration des méandres de l’esprit humain, au delà des souvenirs de ce pauvre gusse. Il reste que le film Spider laisse une impression d'horlogerie hypnotique sombre et inquiétante, surtout dans sa forme, qui en laissera interdit plus d’un.

  (C)Ecran Noir 1996-2002