Fiche technique Production : Jean-François Lepetit / Flach Film
Réalisation : Catherine Breillat
Scénario : Catherine Breillat
Montage : Pascale Chavance
Photo : Laurent Machuel
Son : Yves Osmu, Yves Levèque
Décors : Frédérique Belveaux
Durée : 1h32

Anne Parillaud (Jeanne, la réalisatrice)
Grégoire Colin (L’acteur)
Roxanne Mesquiche (L’actrice)
Ashley Wanninger (L’assistant de Jeanne)

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Interview Breillat EN
 
 

Sex is comedy

France / 2002 /
présenté à la Quinzaine des réalisateurs le 16 mai 2002

Une réalisatrice dirige deux comédiens non sans quelques difficultés : tournage sur une plage censée être au Caraïbes mais où la pluie est incessante, acteur masculin capricieux …Tel est le lot quotidien des soucis d’une metteur en scène obsédée par la perfection d’une scène très difficile, une scène intime …

Né en 1948, Catherine Breillat monte à Paris à l’âge de 17 ans, ce qui détonne pour le moins un certain caractère et une confiance en soi. Elle fait ses débuts comme écrivain et publie en mai 1968 un roman intitulé « L’homme facile », qu’elle qualifie elle-même de « libertin ». Breillat se découvre un style qui lui est propre et qu’elle ne va cesser dès lors d’exploiter dans ces autres livres (elle en a publié neuf à ce jour).1975 marque son passage derrière la caméra avec « Une vraie jeune fille », avant de collaborer l’année suivante au tournage de Billis de David Hamilton. Depuis la cinéaste a tourné plus de huit films dont les sulfureux « Romance » en 1999 et « A ma sœur » en 2000, tous deux largement médiatisés. Quasi-systématiquement, on retrouve dans les films de Breillat un certain goût pour la provocation (elle voudrait nous faire passer Rocco Siffredi, hardeur, pour un « vrai » acteur, c’est dire !), qui ne manque pas de provoquer mini-scandales et polémiques dans la veine de « Baise-moi » de Virginie Despentes. Ce qui n’est pas pour déplaire aux médias en mal de sujets en dessous de la ceinture. Il faut dire que les thèmes de prédilection de la réalisatrice, à savoir le désir et la sexualité féminine, permettent à cette forte personnalité de dénoncer de film en film une moralité et une éducation répressive, dixit Breillat elle-même.

«Sex is comedy » semble marquer un adoucissement de cette dénonciation : le sexe, toujours présent, sert de toile de fond et prétexte à l’humour si particulier de Catherine Breillat. A l’heure des fameux « making-of » (explications sur le tournage d’un film) qui sont désormais monnaie-courante sur les DVD, Catherine Breillat a voulu dévoiler toutes les subtilités du processus de la direction d’acteur. Il faut dire que la réalisatrice a matière à écrire un scénario, quand on connaît son caractère, peut apte à laisser les acteurs avec qui elle travaille dans leur cocon. Trouvant donc la majorité des making-of futiles, Breillat a décidé de dévoiler le vrai cœur d’un film, quitte à intégrer à l’écran le staff technique avec qui elle travaille habituellement.

En la personne de l’énigmatique Anne Parillaud, la réalisatrice a trouvé son double parfait, mélange de sensibilité et d’assurance dans le regard. Celle qui fût révélée par « Nikita » de Luc Besson n’a depuis pas connu de grand succès public. La comédienne, qui n’était pas revenue à Cannes depuis dix ans («La carte du tendre » de Vincent Ward), tourne très peu de films, seulement des coups de cœur, à l’instar récemment de « Gangsters » avec Richard Anconina, un thriller passé inaperçu. « Sex is comedy », de par sa consensualité, permettra peut-être à l’actrice de retrouver le chemin du succès.

 

BANDE A PART

« Tu regardes les acteurs comme des objets de consommation, pas pour leurs qualités humaines »

Attention, titre trompeur. A contrario de sa réputation de réalisatrice sulfureuse, Catherine Breillat délaisse quelque peu le sexe pour s’intéresser davantage aux relations souvent conflictuelles entre les acteurs et les réalisateurs. Certes le sexe du titre est bien présent, mais en toile de fond, et sert davantage de tremplin à un comique de situation (l’organe génital de l’acteur principal, que ne renierait pas Rocco Sifredi, dépassant du peignoir).
Un humour bien senti, au service d’une critique plus ou moins fondée des relations souvent conflictuelles entre les metteurs en scène et leurs acteurs. Dans le rôle principal Anne Parillaud s’avère étonnante tant elle entre en osmose avec son modèle, Catherine Breillat. Une sensibilité fort appréciable de l’actrice qui permet au film, sorte de making-of d’une oeuvre cinématographique « ordinaire », de faire découvrir aux spectateurs non-cinéphiles l’envers du décor d’un long métrage. Ce procédé bien connu du « film dans le film » trouve ici des échos souvent intéressant et apporte un éclairage valorisant pour ceux qu’on pourrait qualifier de « travailleurs de l’ombre », à savoir les ingénieurs du son, les chefs opérateurs et donc le réalisateur omniprésent. Une réflexion intéressante sur les rapports affectifs entre une réalisatrice et les comédiens qu’elle a choisit, l’omnubilation du cinéaste a obtenir ce qu’il souhaite, les différences de travail entre les contraintes d’un tournage en extérieur et en studio, l’investissement personnel de tous les instants, sans omettre les caprices d’acteurs (porter des chaussettes histoire de se donner confiance). On devine là une certaine conformité avec la réalité, même si le trait est quelque peu forcé. Instructif, « Sex is Comedy » pâtit cependant d’un rythme très inégal, qui fait presque décrocher le spectateur à mi-parcours (la faute à une prise de tête du personnage de Parillaud franchement pesante), avant de repartir de plus belle pour la scène finale. Heureusement, les dialogues enlevés et la qualité de l’interprétation font du dernier opus de Catherine Breillat un film presque consensuel. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour une cinéaste qui se veut provocante.

  (C)Ecran Noir 1996-2002