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(C) 96-01 Ecran Noir

The Pledge
USA
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 15 Mai 2001
Sortie en salle : 19 janvier 2001 (USA)

Réalisation: Sean Penn
Production: Sean Penn, Warner Bros
Scénario: Jerry et Mary Olson Kromolowski
D’après le roman La Promesse de Friedrich Dürrenmatt
Photo: Chris Menges
Montage: Jill Cassidy
Musique: Hans Zimmer, Klaus Badelt
Durée: 122 mn
Jack Nicholson (Jerry Black)
Robin Wright Penn (Lori)
Aaron Ekhart (Stan Krolak)
Pauline Roberts (Chrissy)
Et aussi Bénicio Del Toro, Helen Mirren, Vanessa Redgrave, Mickey Rourke, Harry Dean Stanton...
 
Jerry Black est à quelques heures de la retraite. Il ne supporte pas l’idée mais accepte malgré lui de faire les cartons, de s’amuser à son pot d’adieu.
Ce même jour, un gamin voit un indien s’enfuir au milieu de nulle part ; le gosse découvre le cadavre d’une petite fille, pas très loin. Jerry décide d’en faire sa dernière affaire. Il promet d’ailleurs aux parents de retrouver l’assassin. L’enquête est bâclée, on coince le suspect.
Mais intuitivement, Jerry sent que ce n’est pas le bon. Et de choix inconscients en décisions anodines, son obsession va le conduire à traquer un assassin invisible.
 
 
C’est la troisième réalisation de Sean Penn, et sans doute la plus importante de par son budget et son casting. L’acteur, par ailleurs déjà primé à Cannes pour son interprétation dans She’s so lovely, retrouve donc son acteur de The Indian Runner, Jack Nicholson. L’acteur, l’un des plus Oscarisé de l’histoire du cinéma, a lui aussi remporté un Prix d’interprétation sur la Croisette pour The Last Detail en 73.
Penn lui a adjoint un casting impressionnant : sa femme Robin Wright Penn (Forrest Gump, Unbreakable), le grand metteur en scène de théâtre Sam Shepard, l’égérie de Neil La Bute Aaron Ekhart (Erin Brokovich), les immenses Vanessa Redgrave (Mission Impossible pour les moins cinéphiles) et Helen Mirren (Cal, prix d’interprétation à Cannes), Mickey Rourke et le récent oscarisé Benicio Del Toro. On notera aussi qu’à la technique, Penn a choisi Chris Menges pour la photo ; on lui doit les images de La Déchirure et sa première réalisation, Un monde à part, a reçu le Grand Prix du jury à Cannes. The Pledge est l’adaptation d’un roman du suisse Friedrich Dürrenmatt, " La Promesse ". Le film a rapporté 20 millions de $ au BO américain pour un budget évaalué à 45 millions de $.
 
PLAIES

"On n’abandonne pas son métier comme ça"

The Pledge est certainement la réalisation a plus ambitieuse de Sean Penn, celle dont les moyens déployés sont le plus visible, mais aussi celle qui utilise un scénario plus populaire ; avec un thriller flirtant entre le mystique et la quête obsessionnelle, Penn cherche à établir un lien entre un script divertissant, intriguant et un film personnel, presque signifiant.
C’est ainsi qu’il se piège parfois dans des scènes très naïves, des enchaînements parfois ridicules ; et dans le même temps, il offre des instants de toute beauté et des idées de mise en scène originales. Il n’en demeure pas moins que The Pledge est un polar américain, classique, qui prend son temps, qui use de rebondissements pour suivre uplus profondément le désanchantement de son personnage principal, un Jerry Black (qui aurait du s’appeler Joe tellement il semble fantômatique) en sursis.
Penn atteint sa cible lorsqu’il s’agit de pointer sa caméra sur la vieillesse ; il est admirablement aidé par Jack Nicholson, tout en nuances, qui construit son rôle tel un artisan perfectionniste, refusant la solitude, la vieillesse, la mort. Ce sont les passages les plus forts du film. Les non dits sont souvent plus puissants que les images d’oiseaux noirs en vol ou de chevaux en liberté.
Les deux failles du film sont paradoxalement ses deux plaisirs : le défilé de comédiens dignes de l’Actor’s Studio (à commencer par Benicio Del Toro, limite exploité cyniquement par Penn) n’était pas forcément utile. Le temps d’une scène toujours bien écrite, on voit Redgrave, Rourke, Stanton... Frustrant. L’autre faille est bien entendu le scénario en lui-même. Il soutient une quête spirituelle et une enquête policière. Il nous emmène sur de fausses pistes sans réponses (pourquoi tant de suspects possibles ? pourquoi une région avec tant d’handicapés mentaux ?) et préfère emprunter une voie insolite qu’un chemin tout tracé. C’est plutôt honorable, mais les fausses pistes en deviennent alors inintéressantes.
Dans ce jeu où l’innocence est un appât pour le démon, où l’ambiguïté s’installe jusque dans le cerveau du policier, qui ne sait plus s’il vit pour lui ou pour sa promesse sacrée, Penn installe avec habileté les petits points qui font que son film ne déraille pas, ni du côté trop auteuriste, ni du côté trop hollywoodien. Parfois cela donne des aspects un peu prétentieux, des clichés inévitables, mais son respect pour la Nature (très Redfordien), pour les acteurs donnent au film une allure singulière. Il y a le pêcheur et le pêcheur. Celui qui ferre les poissons et celui qui serre les criminels. Les deux vont fusionner et Jerry Black va débloquer petit à petit. On est entraîné dans ce Nevada sauvage et beau, dans une traque sans poursuites, immobile, télépathique. The Pledge n’a pas d’issue, on le sait dès le début. Et Penn parvient à magnifier le talent d’un grand acteur, qui le lui rend bien (ne serait-ce qu’en étant fidèle au rendez-vous). Si le film ne tient pas toutes ces promesses, on peut au moins lui trouver des circonstances atténuantes avec un beau portrait d’un homme trop intègre pour ce monde qui nous dépasse. Un homme qui devient fou parce qu'il ne peut pas prouver qu'il avait raison, frustré de ne pas pouvoir satisfaire cette promesse qu'il refusait de faire. Penn "peine" à convaincre avec sa morale, mais il réussit à définir la frontière entre l'inconscient et l'obsession qui dictent tous ces actes.

Vincy-