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Shrek 2

 

(C) 96-01 Ecran Noir

Shrek
USA
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 12 Mai 2001
Sortie en salle : 18 mai 2001 (USA) / 4 juillet 2001 (France)

Réalisation: Andrew Jackson, Vicky Jenson
Production: DreamWorks, PDI
Scénario: Ted Elliott, Terry Rossio,, Joel Stillman, Roger Schulman
d'après le livre de William Steig
Montage: Sim Evan Jones
Musique : Harry Gregson Williams, John Powell
Durée: 90 mn
Myke Myers / Alain Chabat (Shrek)
Eddie Murphy / Med Hondo (L'âne)
Cameron Diaz / Barbara Tissier (La princesse Fiona)
John Lithgow / Philippe Catoire (Lord Farquaad)
 
Il était une fois une belle princesse enfermée dans un donjon, gardé par un dragon, qui attendait son sauveur, le prince charmant, celui qui abolirait par un seul baiser le sortilège qui l'ensorcellait...
Hum. Et puis le gros ogre vert déchira la dernière page illustrant le bel éphèbe et preux chevalier prêt à rouler un patin à la belle. Mais voilà. L'infâme et ridicule Lord Farqquaad, maître en son royaume parfait, devait épouser pour la fameuse princesse, la Fiona, pour qu'il devint roi. Sinon, ce ne serait pas un royaume.
Dans un marchandage digne de ce nom, mais sans contrat écrit, l'Ogre, affublé d'un âne pipelette, se décide à aller sauver la princesse. Il ya pleins d'autres détails ; mais le plus simple est d'aller voir le film. Pas que le scénario soit compliqué, mais il faudrait aussi ajouter qu'on y voit Robin des bois, Pinocchio, Blanche Neige, que l'Ogre tient à son intimité et à son marécage, que l'âne parle, et que ça vaut 10 shillings, etc... à la fin tout finit bien.
 
 
C'est le film surprise du Festival. Un dessin animé en compétition officielle - et en plus il concourt pour la Caméra d'or - c'est comme si le Festival avait décidé d'abattre l'ultime tabou. En 53, Peter Pan avait été présenté. Ce fut la dernière fois que l'animation entrait au Palais. Est-ce pour couronner une technologie o=innovante et créativer? Toujours est-il que la sélection de Shrek, 8 ans après la nomination à l'Oscar de The Beauty and the Beast, montre à quel point le 7ème Art respecte de plus en plus cette forme d'expression.
Shrek se situe à mi chemin entre un Disney classique et un Final Fantasy, un cartoon et un jeu vidéo, dans la famille des Toy Story et Fourmiz. C'est aussi un des projets les plus chers et les plus ambitieux pour l'ex-Mr Disney Jeffrey Katzenberg, le K de DreamWorks SKG. Le studio de Spielberg s'est associé à Pacific Data Images, les créateurs de Antz. Avec un "four-star casting" (Myers Austin Powers, Murphy Dr Dolittle, Diaz Charlie Angels et Lithgow), les producteurs n'auront aucun mal à vendre ce qui est devenu le dessin animé le plus attendu de l'année; dommage pour l'Atlantide de Disney.
Technologiquement, plusieurs méthodes ont été utilisées, dont pas mal issues du jeu vidéo : par exemple photographier les paysages réels avant de les "synthétiser". C'est d'ailleurs avec Final Fantasy et Tomb Raider, un des films qui marqueront le tournant dans la synergie entre jeu et cinéma, tant technologiquelent qu'artistiquement. Pour Shrek, les créateurs ont d'abord constitué son squelette, puis ses muscles avant de le recouvrir de sa peau verte. Et de son gros ventre. Virtuellement le personnage est donc créer de toutes pièces.
Tout l'argent a été mis pour en faire un événement visuel à l'instar d'un Jurassic Park en 93. Il fallait que les personnages deviennent vivants, expressifs. Que les liquides et les fluides soient réalistes. C'est aussi pour cela que le film vise haut, en sortant en été, et avant les grosses productions les plus féroces : Pearl Harbor, Tomb raider, Atlantis...
A cela s'ajoute finalement une BOF très rock, avec une synergie maison (et donc trois artistes Dreamworks Records). On peut même imaginer Shrek en attraction des parcs Universal. Quant à la version IMAX avec une fin différente prévue pour Noël 2001, elle a été annulée.

GALERIE PHOTOS

Juillet 2001. Le film sort en France. le succès (estival) sera monstre. Car depuis Cannes, Shrek est une star. Il y aura bien entendu une suite à ce triomphe. Le cartoon a déjà accumulé 230 millions de $ aux USA. Du jamais vu depuis Toy Story. Un score jamais atteint par un dessin animé qui n'est pas signé Disney. Tandis qu'Atlantis sombre, Shrek n'en finit pas de se décliner en produits dérivés. Un petit bémol : l'ogre ne plaît pas en Asie et en Australie.

 
DONJONS ET DRAGONS

"Les ogres, c'est comme les oignons, ça a plusieurs couches..."

Commençons par ce qui fâche. Les scénaristes américains ont failli faire grève le mois dernier. Je leur conseillerais plutôt un stage de formation. Bien sûr il ne s'agit que de divertissement, de dessin animé. Mais un scénario aussi conventionnel, des dialogues avec un air de déjà entendu (même dans l'humour) et un anti-conventionnalisme convenu gachent un peu la jubilation éprouvée. On aurait aimé un peu plus de profondeur, de surprises dans les sentiments, un peu moins de phrases sitcom et de séquences clichés. Ce scénario est un banal jeu d'arcade en plusieurs étapes. Rien d'original. Pour exemple, et pour conclure sur le seul paragraphe négatif de cette critique : la comparaison de l'ogre avec l'oignon selon Shrek ou l'ogre avec le mille feuilles selon l'Ane rappelle le dialogue Julia Roberts / Cameron Diaz où elles se comparent à de la jello et de la crème brulée.

Mais voilà, tout le reste est génial. Car Shrek n'est pas un film de Walt Disney, mais bien la plus virulente guerre civile d'Hollywood mise en image ; le producteur se venge et joue à cramer l'empire de la souris. Tout y passe : le parc Disneyland devient la ville de Lancelot DuLoc, exaspérante à souhait, toute propre, quasiment fasciste. Les stars du dessin animé y sont ridiculisés, à commencer par Robin des Bois, mais aussi Pinocchio, Blanche Neige, les 3 ours, ... et en une scène la compilation de tous ces personnages célèbres (et souvent européens). Ce florilège de personnages de contes et légendes universels et exploités par l'Oncle Picsou, rappelle un peu l'utilisation du patrimoine du jeu par Toy Story. Mais DreamWorks n'est pas Disney. Avec le presque "noir" Fourmiz, ils avaient déjà montré une maturité adulte et politique à traiter par l'animation des sujets plutôt divertissants. DreamWorks aime faire l'éloge de la différence, des petits qui se révoltent et qui gagnent, des caballes contre les marginaux. Et Shrek c'est l'acceptation de la laideur et de l'obésité, c'est le cynisme face au tyrannisme épurant les "étrangers". Pourtant Shrek est une comédie.

A quoi ressemble Shrek? La comparaison la plus proche est certainement ... un film de Mel Brooks. Le personnage principal est lui même scatologique, sale, drôle, gentil, seul. Un anti-héros. Tout commence par un conte de fée avec une jolie musique. En apparence. Car, plus le film progressera, plus il faudra nous méfier des apparences, le délire allant crescendo. Le conte de fée en fait n'est qu'un livre qu Shrek feuillette aux chiottes. Il tire la chasse d'eau et la bande originale rock n' roll s'y colle. C'est du cartoon alternatif. Les 7 nains y sont enchaînés, Pinocchio est bradé à 5 shillings, un cookie est torturé, le méchant choisit sa princesse comme un beauf élit sa ménagère à Tournez Manège... Il y a toute la charge anti-Disney (qui ravira tout ceux qui ont refusé de croire aux princes charmants et aux belles blondes passives), et bien sûr des anachronismes dignes des bandes dessinées d'Astérix. Des personnages occidentalisés dans leurs manières et leur langage, au parking devant la cité de Faaquard, un univers ludique et bigarré, bizarre et légendaire, un conte de fée cruel se créent, ouvrant la porte aux critiques, aux inside jokes, aux ironies, aux vacheries... et bien sûrr à la morale (ça reste américain). Même si la fin vous surprendra un peu, prenant à contre courant les happy endings à la Hollywood; le message en cela est plus fort et permet au film de se distinguer de ses concurrents américains.

On se délectera de tous ces pastiches (match de catch, Jurassic Park, Matrix, Indiana Jones et le Temple Maudit, L'Homme Tranquille)... Dans ce monde freaks monstrueux, de tarés (un nain complexé, un ogre associable, un âne trop bavard, une princesse au secret épouvantable, un dragon femelle sensible), quelques scènes deviendront cultes : la princesse Fiona en a deux à son actif avec son chant du matin à la Blanche Neige (avec effet radical pour le petit déjeuner) et son combat contre Robin des Bois (le même que Diaz dans Charlie et ses drôles de dames, ralenti compris). Totalement déjanté, ultra-sensible, Shrek fera le bonheur des petits, des ados et des grands. Avec toutes ces formes d'humour, il ne peut que cibler juste. Tex Avery n'aurait pas renier ce film d'animation d'aspect très propre et parfait comme le royaume de Faaquard et en fait aussi peu politiquement correct, comme le personnage de Shrek. Et ça fait du bien.

Vincy-