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(C) 96-01 Ecran Noir

Human Nature
USA
Sélection Officielle - Hors compétition
Projection: 18 Mai 2001
Sortie en salle : 12 septembre 2001

Réalisation : Michel Gondry
Production : Anthony Bregman, Ted Hope, Spike Jonze, Charlie Kaufman
Scénario : Charlie Kaufman
Photo : Tim Maurice-Jones
Décors : K K Barrett
Montage : Russel Icke
Musique : Graeme Revell
Durée : 1h36
Rhys Ifans (Puff)
Patricia Arquette (Lila)
Tim Robbins (Nathan)
Robert Forster (le père de Nathan)
Miranda Otto (Gabrielle)
Rosie Perez (Louise)
 
Puff est un homme sauvage. Depuis sa plus tendre enfance il vit dans la nature, isolé de tout contact avec la civilisation. Ses habitudes seront quelquepeu bousculées lorsqu'il sera recueilli par un scientifique obsédé par les bonnes manières et par sa compagne complexée par la pilosité abondante de son corps. Le couple tentera de lui inculquer les notions élémentaires de savoir vivre indispensables à son insertion dans la société.
 
 
Ecrit par Charlie Kaufman, Human nature faisait partie de ces scénarios réputés inadaptables à l'écran de par la complexité de sa structure et des thèmes abordés. Kaufman est à l'origine de l'histoire de Dans la peau de John Malkovich réalisé par Spike Jonze qui se retrouve à la production de Human nature. C'est en fait une véritable famille qui se plait à développer ses projets en commun. Tous ont évolué à un moment donné dans l'élaboration de clips ou de spots de pub. Michel Gondry a d'ailleurs tenu, pour sa première mise en scène cinéma, à conserver l'ensemble de ses collaborateurs techniques qui avaient travaillé sur ses formats courts.
On retrouve le très prolifique Charlie Kaufman crédité à l'écriture d'Adaptation, le prochain Spike Jonze dans lequel figurent Nicolas Cage et Meryl Streep. Il passera ensuite à la version cinéma du livre Confession of a dangerous mind de Chuck Barris.

Originaire de Versailles, Michel Gondry s'est tout d'abord illustré en tant que musicien dans le groupe rock français Oui Oui. Déjà attiré par l'image, il signe les clips de son groupe qui rencontrent un succès inattendu sur la chaîne MTV. De fil en aiguille, Gondry s'est très vite imposé comme un des vidéastes les plus inspirés de sa génération. On l'a retrouvé dernièrement derrière la caméra du nouveau clip de Radiohead "Knives out". De multiples projets de nouveaux longs semblent déjà être à l'ordre du jour pour le jeune réalisateur français.

On notera que par soucis de détails, une partie des scènes extérieures de Human nature ont été tournées en studio puis inserrées dans des plans filmés en naturel.

Si on ne présente plus Patricia Arquette (Lost highway, Bringing out the dead), ni Tim Robbins (Short cuts, The Shawshank redemption), on pourra noter avoir déjà vu le britanique Rhys Ifans dans Coup de foudre à Notting Hill, dans lequel il réalisait déjà une performance en sous vêtements. Quant à Robert Forster, il voit sa carrière reprendre de l'altitude depuis le revival Jackie Brown de Quentin Tarantino et semble plutôt attiré par la comédie après le Fous d'Irène des frères Farrelly.

 
La planète des singes

La nature est une chose étrange et complexe

A l'orée de ce nouveau millénaire et au travers des multiples débats éthiques liés aux recherches diverses de la génétique, jamais la question de ce qui définit véritablement l'être humain ne sera autant revenue sur le tapis. Human nature, sous sa facture de farce drôlatique, se propose de nous livrer une réflexion des plus pertinentes sur notre identité. Certains prétendent que l'homme vient de mars et la femme de vénus, jusqu'à preuve du contraire, l'espèce humaine vient de la terre. C'est donc par un grand retour aux sources de la nature, à l'instar de Voltaire modernes, que les deux compères Kaufman et Gondry ont choisi de dresser leur campement pour mener à bien leurs investigations. Pas de bons sauvages ici, le pauvre Puff éminant représentant de l'homo sapiens brut de décoffrage ne peut pas vraiment prétendre au titre de seigneur de la jungle tel que l'avait imaginé en son temps Edgar Rice Burroughs avec son Tarzan. On remarquera très vite que ses semblables civilisés ne sont guère mieux lotis, engoncés dans les convenances du monde moderne et tiraillés par leurs instincts primaires quand leur libido se réveille. Il y a cette nécessité pour chacun de trouver sa place dans la société en repoussant la bête qui est en soi, efforts désespérés puisqu'on ne peut renier son patrimoine biologique par de simples leçons de bonne conduite. L'homme est donc voué à accepter la cohabitation des divers héritages qui le singularisent s'il souhaite trouver un semblant d'harmonie.

Charlie Kaufman ne se prive pas d'utiliser dans son scénario l'opposition des milieux naturels et citadins pour multiplier les situations cocasses avec une maestria certaine et confirme l'étendue de son talent singulier déjà à l'œuvre sur Being John Malkovich. Au delà son imagination débordante, c'est aussi d'une grande lucidité dont il fait preuve dans l'écriture de ses personnages. Ainsi même si les traits restent ceux de la caricature (nous sommes dans une fable) la justesse du propos fait que chaque rôle sonne juste et terriblement humain. Lila, incarnée par Patricia Arquette, est une sorte de condensé de l'évolution de la femme américaine avec toutes les contradictions qui accompagnent son émancipation. Successivement femme naturelle, revendicatrice ou maladroitement séductrice, elle ne sait que tenter pour se faire accepter contrairement à sa rivale Gabrielle qui use de ses charmes innés de façon calculée sans pour autant en maitriser plus le résultat. Car il n'y a pas de modèle de référence dans Human nature, de même qu'il n'y a pas de jugement sur les actes des protagonistes, juste une invitation à rire des idées reçues que nous entretenons sur nous même. Et comme le rire est le propre de l'homme…
Le film bénéficie évidemment du savoir faire du créateur d'image surdoué qu'est Michel Gondry. Ce dernier, pour son premier long métrage, a réussi le tour de force de mettre son univers visuel au service du récit, sans pour autant que celui ci ne devienne encombrant. Son sens du surréalisme met en valeur le décallage des comportements. La satire est aussi adoucie par la candeur qui caractérise son travail. Gondry noue des liens étranges avec l'enfance et ses souvenirs sont autant d'éléments récurents et nostalgiques dans sont travail. Il n'est pas rare de croiser une peluche élimée au détour d'un de ses clips, on voit ici Patricia Arquette brandir son ourson pour se protéger pendant l'orage. Pour peu qu'il trouve des histoires qui font appel à son inspiration, on peut supposer que le réalisateur a une carrière prometteuse qui s'ouvre à lui hors des petits écrans.

Human nature pourra en laisser certains de glace, déstabilisés par la philosophie joyeusement fantaisiste et quelquepeu irrévérencieuse de ses auteurs. Reste que le film atteint une certaine profondeur dans sa dérision qui en fait au final une œuvre réellement marquante et audacieuse.

PETSSSsss-