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   spécial Cannes
 
 
 
Réalisation : Liv Ullmann («Private Confessions »)
Scénario : Ingmar Bergman
Image : Jörgen Persson
Montage : Sylvia Ingemarsson
Production : Kaj Larsen
155 minutes

Interprétation:
Lena Endre (Marianne)
Erland Josephson (Bergman)
Thomas Hanzon (Markus)
Krister Henriksson (David)
 

 Trolösa
1999 / Suède / En compétion dans la Sélection Officielle / présenté le dimanche 14 mai
 
Un écrivain reclus sur une île, en panne d’écriture. Une voix s’adresse à lui, avant de prendre forme sous les traits d’une actrice, Marianne, qui lui raconte son histoire : mariée à Markus, célèbre chef d’orchestre, et mère d’une petite fille, elle coule une vie sereine aux côtés de David, ami commun du couple. Un soir, alors que Markus est absent, David vient dîner chez elle. Ce qui n’était qu’une relation platonique se transforme en une passion aussi folle que dangereuse….
 
 
Actrice fétiche d’Ingmar Bergman («Cris et chuchotements », «Scènes de la vie conjugale », «Sonate d’automne »…), Liv Ullmann rend un nouvel hommage au maître suédois, qui avait déjà écrit pour elle le scénario de «Private Confessions ». Le film, tiré de la vie des parents du réalisateur, reçut un excellent accueil au Festival de Cannes 97, dans la section Un certain regard.

«Trolösa » est à nouveau tiré d’un épisode réel de la vie d’Ingmar Bergman. Ce dernier, qui a longtemps tardé avant de le mettre par écrit, a rédigé un scénario uniquement composé de dialogues, créé pour une actrice : Lena Endre. Pendant deux ans, Liv Ullmann en a travaillé la réalisation, avant de s’attacher au reste du casting.

Erland Josephson, qui joue Bergman dans le film, est l’un des acteurs suédois les plus connus dans le monde. Il a notamment travaillé sous la houlette d’Ingmar Bergman bien sûr, mais aussi de Théo Angelopoulos, Peter Greenaway ou Tarkovski. Grand homme de théâtre, c’est la troisième fois qu’il est dirigé par Liv Ullmann, après «Sophie » (court métrage) et «Kristin Lavransdotter ».
Les autres acteurs du film sont essentiellement connus pour leurs performances sur les planches, notamment au Théâtre Dramatique de Stockholm, le Dramaten.

 
Portrait de femme

«Pourquoi joue-t-on ?
On passe le temps avant la mort »

«Trolösa » n’est pas un film de demi-mesure, pas plus qu’il n’est un film facile. Rythme très lent, monologue omniprésent, réalisation réduite à sa plus simple expression…Beaucoup abandonneront en cours de route, découragés par une introduction longue parce que double : d’abord, celle d’un écrivain vieillissant, Bergman, obligé de recourir à une voix et une présence imaginaires pour écrire; puis celle du drame proprement dit, raconté par cette femme rêvée.

Pour tous les autres, ceux qui trouvent une rare intensité dans cet univers intimiste et sobre, le voyage est bouleversant. Construit comme une tragédie dont l’héroïne est aussi l’unique chœur, celui qui annonce l’inévitable, «Trölosa » déroule implacablement les règles d’un drame classique, mais sublimé.

L’histoire est après tout fort banale, celle d’un adultère qui mène évidemment à l’humiliante confrontation, à l’ignoble trio, le mari , la femme et l’amant, tous prêts à prendre une petite fille de neuf ans en otage. Mais si l’on s’identifie si fort aux personnages et aux situations terriblement crédibles, c’est que Liv Ullmann parvient à filmer l’indicible en se concentrant sur un seul visage, celui de Marianne, victime et narratrice.

Cadrée au plus serré, Lena Endre est incroyable d’émotion, dans le discours comme dans l’action ; c’est elle qui assure sa tension au film, faisant passer sur son visage une variété de sentiments rarement atteinte. Elle est évidemment pressentie pour un Prix d’interprétation féminine, presque une évidence.

Au talent de cette femme, il faut encore ajouter la force du texte d’Ingmar Bergman. Le discours est certes omniprésent, mais d’une telle beauté, d’une telle vérité, que l’on voudrait pouvoir le retenir en entier. Impossible de ne pas se reconnaître dans cette « biographie érotique », évidemment très proche de l’univers bergmanien. Le vieil homme qui ouvre le film ne peut que rappeler celui des «Fraises sauvages », et ce n’est évidemment pas un hasard si Liv Ullmann donne à Marianne le prénom de son personnage dans «Scènes de la vie conjugale ».

Mais peu importe que l’on aime ou non Bergman pour apprécier (ou non) ce film, dont les images autant que les mots restent longtemps gravés dans le cœur autant que la mémoire.

Mathilde  

 
 
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