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   spécial Cannes
 
 
 
Réalisation: Nana Djordjadze
Production: Egoli Fims
Distribution: Wild Bunch
Scénario: Irakli Kvirikadze
Image: Phedon Papamichael
Son: Norbert Gaisbauer
Montage: Vessela Martschewski
Musique: Goran Bregovic
Durée: 1h36

Interprétation:
Nuza Kuchianidze
Shaco Iashvili
Evgueni Sidichin
Amalia Mordvinova
Pierre Richard
 

 Summer or 27 missing kisses
2000 / Allemagne Géorgie / Projection à Cannes le 11 mai / Quinzaine des réalisateurs
 
Quelque part en Europe de l'Est, la jeune Sybille, 14 ans, arrive dans un petit village haut perché pour passer ses vacances chez sa tante. Elle tombe immédiatement amoureuse d'Alexandre, l'astronome veuf de 41 ans, qui repousse ses avances alors que Miki, le fils de celui-ci, s'amourache de la jeune fille, qui ne le prend pas au sérieux. Une montée de désir étrange et la projection du film Emmanuelle vont enflammer les esprits et libérer les pulsions amoureuses de chacun, au risque de créer un climat de tension qui viendra briser le calme de ce charmant village.
L'arrivée d'un capitaine français va-t-elle les sauver?
 
 
Si le renom de Nana Djordjadze ne touche malheureusement qu'un public assez réduit de cinéphiles, son travail s'est pourtant distingué à deux reprises lors de Festivals Internationaux. En 1987, elle décroche la Caméra d'Or à Cannes pour son premier long-métrage, "Robinsonnade", puis est nominée dix ans plus tard aux Oscars dans la catégorie Meilleur Film Etranger avec "Les 1001 recettes d'un cuisinier amoureux". Militante active d'un renouveau du cinéma à l'Est, Nana Djordjadze utilise et détourne les éléments du passé pourtant glorieux du cinéma en URSS pour les dissoudre et les mélanger en fables hors du temps et teintées de surréalisme. L'indépendance récente des réalisateurs à l'Est est une arme à double tranchant, puisque si la liberté d'expression s'est détachée d'une censure étouffante, le financement d'un film est maintenant à la charge exclusive du metteur en scène et dépend de ses capacités à trouver des partenaires étrangers. Pour exemple, le premier court-métrage de Nana Djordjadze, "Le voyage vers Sopot", a été interdit en URSS pendant plus de sept ans, avant d'être enfin présenté en 1987 au Festival d'Oberhausen. Un réalisateur n'avait aucun droit sur son ¦uvre, puisque celle-ci était financée intégralement par une aide gouvernementale. Lorsque Nana Djordjadze était présente à Cannes en 1986, c'était son premier voyage à l'Ouest. Il lui était interdit de s'y rendre auparavant.
La production de "L'été de mes 27 baisers" a débuté en 1993, mais il était impossible pour la réalisatrice de trouver les financements nécessaires à ce type de scénario, bien qu'il ne s'agisse au début que d'un court-métrage. Elle a donc monté "Les 1001 recettes..", puis, grâce à ce film, elle a rencontré deux producteurs allemands (Egoli Films) qui ont accepté de lui faire confiance.
Le dernier film de Nana Djordjadze est aussi l'occasion pour elle de retrouver un acteur "mythique" de notre vitrine cinématographique (quoiqu'il en ait un peu disparu) : Pierre Richard. L’incursion étonnante de cette figure phare de la comédie des années 70-80 résulte d'une rencontre, pendant un Festival de Cannes. Sans se connaître, Pierre Richard et Nana Djordjadze se sont lancés dans une discussion de convention qui s'est rapidement transformée en amitié durable et sincère. Elle lui a offert un joli rôle différent de son registre habituel dans "les 1001 recettes.." et lui a proposé à nouveau un personnage (le Capitaine) dans "L'été de mes 27 baisers". L'acteur a accepté ce rôle sans hésiter, sans même savoir de quoi il s'agissait. .
 
Montée de sève

" Moi aussi je peux te faire tout ce que te font ces femmes ".
Le sommet d'une montagne, quelque part, à l'Est, toujours plus à l'Est. Un village au bout de la route cahoteuse qu'emprunte l'autobus toussant. Une jolie place comme tant d'autres, des ruelles tortueuses en découlent. Un air de Provence confondu avec les Pyrénées, un rien haut perché, des maisons de maîtres aux contours décrépis, splendeurs passées, décadence frivole et joyeuse d'un hameau étrange, hors du temps. Quelque chose ne tourne pas rond en ces lieux, un Lieutenant et son armée bombardent des ennemis invisibles, un capitaine a perdu la mer et traîne son bateau inlassablement derrière un tracteur, le gardien de nuit alcoolique aime l'autodestruction, bref, le surréalisme du quotidien enveloppe ces villageois atteints de folie ordinaire. Tout allait pour le mieux dans ce joyeux désordre jusqu'à l'arrivée de Sybille, la nymphe aux cheveux d'or qui brille des mille éclats de la jeunesse. Cette sauvageonne peu farouche semble jeter un charme sur le village qui s'éveille, par ce bel été de l'éclipse, à la sensualité affirmée de l'amour. Le maître d'école meurt dans les bras de sa maîtresse, le gardien de nuit fait peur aux femmes avec son membre hors normes et la femme du lieutenant s'évapore dans les bras de tous les hommes du village. Cerise sur le gâteau, la projection du film "Emmanuelle" dans la salle de l'Opéra allume la mèche incendiaire de la sexualité refoulée, des tensions sous-jacentes et des jalousies maladives.
"L'été de mes 27 baisers" dépeint dans la volupté l'éveil du désir, désir naissant chez les deux adolescents, Miki et Sybille, et oublié chez les habitants du village. "Elle m'avait promis 100 baisers, mais un coup de fusil de chasse a mis fin à ce compte à rebours du bonheur".
La touche de surréalisme déposée par Nana Djordjadze évoque avec poésie l'univers proche du rêve, façon Kusturica (la musique de Bregovic y est pour quelque chose), mais sans tomber, fort heureusement, dans un lyrisme fatigant, voire ridicule. Reste une sensation de longueur entre les éclats de rire, les moments d'émotion, la tragédie qui guette.
Heureusement, la superbe photographie du film, la composition soignée des images et une poignée d'acteurs palpitants (Nino Kuchanidze, alias Sybille, en tête) parviennent parfois à combler les temps morts et offrir de beaux moments de cinéma.

Romain 

 
 
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