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   spécial Cannes
 
 
 
Réalisation : Andrucha Waddington
Production : Conspiraçao, Sony Columbia Pictures
Scénario : Elena Soarez
Montage : Vicente Kubrusly
Photo : Breno Silveiro
Musique : Gilberto Gil
Durée : 104 min

Interprétation:
Regina Casé (Darlene)
Lima Duarte (Osias)
Stênio Garcia (Zezinho)
Luiz Carlos Vasconcelos (Ciro)

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  La vie peu ordinaire de Dona Linhares (Eu Tu Eles)
2000 / Brésil / Un certain regard / présenté le 16 mai
 
Darlene s'en va de chez elle, enceinte. Elle pense se marier avec le Colonel et grand propriétaire de la région, qui l'a mise en cloque. Mais le mariage n'a pas lieu. Elle accouche et revient chez elle trois ans plus tard.
Pauvre, seule avec son gamin, elle accepte la proposition d'Osias, qui vient de se construire une belle maison : devenir sa femme.
Bosseuse, Darlene se démène pendant qu'il ne fait rien. Bizarrement, elle met au monde un second bébé, assez sombre de peau. Puis un troisième qui coïncide avec l'arrivée de Zezinho, le cousin de son mari, à la maison...
 
 
Le film ne sortira qu'un an et demi après sa présentation à Cannes. Cette mention spéciale pour le Prix d'Un Certain Regard n'a fait que préméditer la récolte de prix internationaux. Dans son pays, le film a remporté l'équivalent des César de la meilleure actrice, de la meilleure photo, du meilleur montage et surtout du meilleur film.
Tourné dans la province de Bahia, deuxième film de Waddington (après le thriller gore Gêmeas), ce film au titre original signifiant Je Tu Ils est inspiré d'une vie réelle sur une femme polygame. Le film a d'ailleurs été projeté en public, dans une place du village où la craie" Dona Linhares" habite, en présence de 15 mille personnes. " Nous avons rencontré cette femme avec Elena Soarez, ma scénariste, et à partir des conversations que nous avons eu, j’ai eu envie de développer l’histoire d’amour qui unit ces personnages. Mais nous avons respecté les caractères." Le réalisateur ajoute : "Je crois que la chose importante pour comprendre cette histoire, est que cette femme et ces hommes vivent dans une région isolée, loin de tout. Ils ont donc la possibilité de vivre selon leur propres règles et lois. Le point de vue de la société n’existe pas là-bas. S’ils vivaient dans une ville, ce serait différent car chacun se mettrait à les juger et à se mêler de leur façon de vivre."
On notera la présence de Gilberto Gil au générique, en tant que compositeur. Depuis le chanteur est devenu Ministre de la Culture du Brésil.
 
LES DÉSACCORDÉS
Fable ensoleillée. Et peu ordinaire. Sa générosité, son humour embaume l’environnement aride et la vie sordide des protagonistes. La morale maritale n’a pas lieu d’être. Dona Linhares a le malheur d’être aimée de plusieurs hommes, de les aimer, et de leur donner des fils. Tout ce beau monde s’abrite sous le toit du mari, admirablement cocufié. Chacun aura ses hauts, ses bas, ses moments fragiles, ses instants de gloire.
Le film est ainsi ponctué. Dona tombe amoureuse et procrée. Puis fait la fête, et rencontre un nouvel amant. Les trois "maris" pourraient fusionner et donner le mari idéal. Histoire de fous.
La réalisation adopte pourtant un certain lyrisme et aborde ses thèmes avec une sobriété très esthétique. L’image très soignée de ces paysages magnifiques du Nordeste, la musique colorée de Gilberto Gil, et une direction artistique en adéquation parfaite avec son sujet en font un bel objet.
L’essentiel est que cette vie peu ordinaire donne un film peu commun. Car ce bordel foutrement hormonal délivre un objet cinématographique délicieusement immoral. Si Dona est une femme généreuse, les hommes sont possessifs, jaloux, envieux, égoïstes. Les acteurs les incarnent avec un plaisir évident. Leur justesse facilite la compréhension de leurs failles et les humanise même dans leurs faiblesses.
Le regard porté sur ces frasques amoureuses attire la compassion. La force de la mise en scène est d’apporter une forme de pardon. Il n’y a aucune tragédie, aucune menace. Juste des gens essayant de concilier leur bonheur avec les aléas de la vie, sans rompre avec leur passé. D’ailleurs, à chaque fois que ce lien veut être cassé, ils échouent. Belle leçon à une époque où les opulents occidentaux se conduisent en enfants gâtés.
Il y a quelques langueurs qui nous font rêvasser. Quelques points de suspension qui empêchent de nous nouer d’émotion. Mais reconnaissons que nous aussi, nous aurions bien fait un enfant de plus à cette Dona Linhares, pas vraiment belle, très maternelle, si charnelle. Le film est peut-être son plus beau fils, libéré du père.

Vincy  

 
 
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