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   spécial Cannes
 
 
 
Production : Roy Andersson Filmproduktion AB
Réalisation : Roy Andersson (" Une histoire d'amour suédoise ", 1969, " Giliap ", 1975)
Scénario : Roy Andersson
Photo : Istvan Bordas & Jesper Klevenas
Son : Jens Munter
Musique : Benny Andersson
Montage : Roy Andersson
Durée : 98 min

Interprétation:
Lars Nordh (Karl)
Stefan Larsson (Stefan)
Hanna Eriksson (Mia)
Peter Roth (Thomas)

LIENS :

- Interview EN de Roy Andersson
- Site distributeur (photos du films)
- Roy Andersson IMDB
 

 Sanger fran andra vaningen (Chansons du deuxième étage)
2000/ Suède/ Sélection officielle / Hors compétition / présenté au festival de La Rochelles / sortie le 12 octobre 2000
 
Des bribes de vie. Un commerçant met le feu à son magasin pour toucher l'assurance. Un magicien rate son tour et commence à scier en deux un homme choisi au hasard dans le public. Des hommes participent à une étrange foire aux crucifix et autres objets religieux. Peu à peu, la folie se propage et envahit tout le monde, jusqu'aux conseils d'administration. Et pendant ce temps, Karl, notre commerçant, répète : " bienheureux celui qui s'assoit " !…
 
 
" Chansons du deuxième étage " est le troisième long-métrage de Roy Andersson, après " Une histoire d'amour suédoise " (1969) et " Giliap " (1975). Avec ce film, c'est la seconde fois que le réalisateur suédois participe au festival de Cannes. En 1975, il avait déjà présenté " Giliap " à la Quinzaine des Réalisateurs.
Cette année, il revient en Sélection Officielle et obtient le Prix du Jury (ex æquo avec " Le Tableau noir " de Samira Makhmalbaf).
Le film a bien failli ne pas pouvoir être prêt car Roy Andersson aime prendre son temps : la genèse de " Chansons du deuxième étage " a duré quatre ans et le montage s'est terminé de justesse, dans le mois précédant l'ouverture du festival.

Parallèlement à sa carrière cinématographique, Roy Andersson a réalisé près de 300 films publicitaires, ce qui lui a permis de devenir indépendant et de créer sa maison de production, le Studio 24. Là aussi, il prend son temps : pour chacun d'entre eux, il lui a fallu un mois de tournage pour quelques secondes de film.

" Chansons du deuxième étage " a été tourné dans les studios du réalisateur à Stockholm.

 
L'ABSURDITE PHILOSOPHIQUE

" Dire qu'on a pensé qu'on se ferait du fric avec un raté crucifié ! "

Vous l'aurez bien compris, " Chansons du deuxième étage " se raconte difficilement. C'est un film-patchwork constitué de plusieurs scènes indépendantes qui participent pourtant d'une même unité homogène. Une sorte de film sur des vies qui devient finalement un film sur la vie.

Il débute fort avec une première scène irrésistible : un employé, en costume avec une serviette de cuir…et des sacs plastiques bleus en guise de chaussures, va voir son patron qui est en train de se faire bronzer aux ultraviolets, et qui lui annonce qu'il est licencié. Une scène plus tard, dans un couloir immense, il se traîne littéralement aux pieds de son chef qui, imperturbable, continue de marcher. Pendant ce temps, des portes s'ouvrent, laissant apparaître les têtes des autres employés curieux. Le ton délirant du film est lancé.
Ensuite, les scènes s'enchaînent, toutes plus farfelues les unes que les autres. Il y a le prestidigitateur qui rate son tour de magie et qui scie un volontaire issu du public. Il y a aussi, en plein salon dédié aux objets religieux, deux hommes qui discutent alors qu'en arrière-plan, un Christ grandeur nature se balance pendant de longues minutes en grinçant, car le clou de la main gauche a lâché. Et sans oublier le conseil d'état surréaliste lors duquel un membre prévoit l'avenir dans une boule en cristal ! Andersson excelle dans le délire en multipliant des sketches tordants.

Presque toutes les scènes sont tournées en plan large sans aucun mouvement de caméra. On pense à des tableaux d'Edward Hopper desquels on aurait ôté toute couleur pour n'y mettre que du gris. Les décors, d'un réalisme épuré et d'une ampleur colossale, concourent à créer une dimension étrange et grandiose. Le rendu est parfaitement fidèle à ce que voulait Roy Andersson : créer un univers hors du temps.

Dans ces tableaux intemporels, seuls les personnages se déplacent, laborieusement. Eux aussi ils sont gris et leurs visages sont fardés de blanc. On a l'impression d'être dans une sorte de pays stalinien dans lequel les personnages, à la fois tristement, absurdement et irrésistiblement ridicules, s'activent comme des automates. Tous ont de véritables faciès grotesques et leur présence, combinée aux décors, instaure une atmosphère surprenante et extrêmement originale.

Il ne faut pourtant pas s'arrêter au côté absurde du film. Il existe une véritable profondeur dans " Chansons du deuxième étage ". L'humour cache (et à la fois révèle) un grand désarroi. L'absurde des scènes est là pour mieux parler des hommes. En voyant le film, on a le sentiment d'être devant un Monty Python qui aurait une portée existentielle. Parce que Roy Andersson a un véritable sens de la cocasserie et de l'humanité. Et parce que pour lui, " l'humour est une question de vérité ".

Laurence 
 
 
   (C) Ecran Noir 1996-2000