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| LE ENIEME CONTINENTPlusieurs des cinéastes à Cannes ont connu la censure ou proviennent d'un
pays totalitaire. On pense à l'Iran, à la Chine, ou encore à Cuba, qui ne
sont pas que des destinations exotiques du catalogue de Nouvelles
Frontières, mais aussi des pays vedettes du rapport d'Amnisty
International. On pense aussi à Von Trier et ses idiots orgiaques, obligés
d'être coupés niveau sexe ; à Haneke et ses funny games plus jeu de rôle
que jeux drôles ; à Kar-wai et son Happy Together trop gay, pas assez gai.
Ou même à John Waters, dont les Flamands Roses étaient traînés dans la
merde, par pure provoc'.
Tous se sont assagis (cette année). Von Trier musicalise son mélo sans
cul. Haneke abandonne la violence gratuite, Kar-wai oublie la sodomie et
Waters perd son sens de la dérision " nulle " au détriment de la satyre
soft.
La violence, l'érotisme, la rebellion se trouvent ailleurs : dans les
métaphores du Tableau Noir ou la poésie de Chunhyang, dans les dialogues
moralement chocs ou dans la musique et les images entremêlées.
Face à ces régimes politiques où un poil pubien peut s'avérer un crime
sataniste, où une phrase extraite de Hugo passe pour une dissidence
politique, il n'y a pas d'autres moyens que l'imaginaire, l'allégorie, ou
encore la morale pour passer le cap de la censure, ou ne pas se retrouver
banni d'un système souvent centralisé.
C'est ainsi qu'il est de bon ton d'apprécier les cinémas chinois ou
iraniens, comme si les cinéphiles occidentaux expiaient leur culpabilité
face à leur impuissance (voire irresponsabilité) vis-à-vis de ces peuples
opprimés. On loue un cinéma politique ou social, esthétique ou chiant,
simplement parce qu'un arbre est posé sur le haut d'une colline ou parce
que le héros se sacrifie au nom de la liberté.
De la même manière, il est " critiquement correct " de débattre de la
situation politique en Autriche (quitte à harceler un cinéaste comme
Haneke, franchement pas responsable des millions de voix qui ont voté pour
le parti de Haider) ou de s'interroger sur la pertinence d'un film très
cher tourné dans un pays très pauvre.
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| Le cinéma ce n'est pas ça. C'est juste un film qui procure ou pas une dose
de plaisir, qui insuffle ou pas des émotions diverses, une oeuvre artistique
sans frontières, mais avec un auteur, sans responsabilité, mais avec un
contexte. Haneke vient d'Autriche, et alors ? Oliveira a commencé sa
carrière dans un Portugal " fasciste ", Kaige tourne avec la bénédiction ou
la répréhension des autorités chinoises, et Chahine se bat contre les
tentations islamistes de son Egypte. Un film, qu'il soit turc ou russe,
coréen ou colombien, véhicule la culture de son pays, et se doit de voyager
(avec ou sans Nouvelles Frontières) dans les Festivals, à défaut des
circuits d'exploitation.
C'est justement pour lui une façon de tirer le signal d'alarme, d'exposer
la situation inacceptable et difficile de son pays. C'est aussi une manière
de s'ouvrir au monde, d'ouvrir une fenêtre sur le monde. C'est enfin une
libération pour l'oeuvre et son auteur, un moyen d'expression et de partage
entre les différentes civilisation. C'est surtout pour le peuple de ce pays
la garantie que leur culture survivra grâce à un art aussi important que le
cinéma.
Cette pluralité- cette porte ouverte sur la planète - conduit à des
métissages artistiques : Esther Kahn avec une actrice amérindienne, un
cinéaste français et des équipes britanniques ; ou encore Code Inconnu,
réalisé par un Autrichien joué par des Africains, des slaves et une star
frenchy ; ou même Dancer in the Dark, fusion de talents venus d'Islande, du
Danemark et de France ; et pour finir Capitaines d'Avril, portugais avec
des équipes artistiques et techniques venues d'Italie, d'Espagne, de
France,...
Seule la nationalité de l'auteur pourrait compter, si l'on considérait la
Nation comme un critère cinématographique (de par les influences, le
patrimoine, l'Histoire et la situation contemporaine). Nous avons préféré
les nommer " européens ", à l'image de ces films issus d'une même vision de
l'homme, d'une même ambition du cinéma en tant qu'art, d'un même continent.
Un peu virtuel. Mais sans le " .com ".
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Cinéma de demainA voir tant de films interminables (ne serait-ce qu
«Ester Kahn », présenté aujourdhui), on en oublierait
presque que les cinéastes ont à peu près tous commencé
par du petit format, ces fameux courts métrages si
rarement projetés dans les salles obscures.
Le Festival, dont la vocation est aussi de révéler des
talents (évidemment, la sélection officielle nen est
pas le reflet le plus évident), a choisi depuis trois
ans de donner lexemple, avec une nouvelle sélection :
la Cinéfondation. Consacrée aux films d'école et aux
premières réalisations, elle passe bien sûr inaperçue
malgré un jury prestigieux, présidé rien moins que par
le palmé de lannée dernière, Luc Dardenne. A ses
côtés, Claire Denis, Mira Sorvino, Francesca Comencini
(fille de) et Abderrahmane Sissako, discrètement
placés au milieu des spectateurs de la salle Bunuel.
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| Pas de montée des marches pour ces petits nouveaux de la réalisation, mais une vraie sélection, officialisée
par la fameuse musique de Saint-Saens. Ils viennent
donc simplement se présenter sur scène, avant de
guetter la réaction du public face à leur premier
bébé, court ou moyen métrage. Ici comme ailleurs, pas
de pitié : si lennui sinstalle, le spectateur se
taille. Peu importe quil nait quune vingtaine de
minutes à tenir, le couperet est aussi implacable que
pour les aînés.
La curiosité devrait pourtant être grande de voir ces
films décole, ces premiers échantillons du cinéma de
demain. Dans cette pépinière se trouvent forcément de
futurs grands, de nouveaux styles, des regards
différents. Une chose est sûre, les femmes seront à
lhonneur, réalisatrices ou héroïnes, dans un univers
dimages plus que de mots.
On ne doute pas de la bonne volonté du Festival, on
voudrait simplement quil aille plus loin dans la
visibilité de ces nouveaux talents, par exemple en
présentant un court métrage avant chacune des
projections officielles.
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