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   spécial Cannes
 
REQUIEM

Darren Aronofsky, deux ans après le mathématique Pi (rappel : 3.1416), nous a livré une leçon de montage remuante avec Requiem for a dream, où le spectateur vit les sensations des personnages subissant des électrochocs, une amputation, de la prostitution, ou encore l'emprisonnement.
L'horreur séquencée par une musique séduisante se superpose en images toutes plus captivantes et répulsives les unes que les autres. Il joue avec nos nerfs Le montage est sans doute l'acte créatif le plus intéressant au cinéma : il touche à l'écriture, aux émotions, au son et à l'image. Il détermine ce que sera le film.
On parle souvent de Scorsese (le mec qui donne les bons rôles à De Niro), d'Eisenstein (un russe qui inspira De Palma pour une scène dans Les Incorruptibles) ou encore de Godard (" professionnel de la profession ") en tant que maîtres du montage.
Un autre fut Buñuel. Outre une salle (pas sécuritaire du tout) neuve et portant son nom située dans le bunker, le Festival lui consacre une expo, et une projection de sa Palme d'Or, Viridiana (1961, ça date). Buñuel c'est un univers baroque, qui croise le surréalisme, Dali, Picasso, et une fascination pour les belles femmes. Si Cannes le courtisait, Hollywood l'ignorait. Un an après le sacre d'Almodovar, alors que Ripstein tourne en numérique, Luis Buñuel continue d'être la référence, la légende même, d'un cinéma hispanophone.
On apprécie bien sûr L'Ange exterminateur, on connaît moins sa splendide version de Robinson Crusoé, et surtout on retient ses films avec Moreau (Le Journal d'une femme de chambre), Deneuve (Belle de Jour, Tristana) et Bouquet (Cet obscur objet du désir) qui signait un crépuscule faste et sublime d'une carrière riche en symboles. Avec un mélange de perversion et d'attirance, il filmait l'effroyable (le regard cisaillé dans Un chien andalou) et le magnifique (le regard perdu de Deneuve, prostituée dans Belle de Jour). Si vous préférez la lingerie féminine, optez pour le second.

 
 

Patrimoine mondiale de l'humanité, Buñuel, à l'instar de Bergman et Fellini, se fait immortel et éternel à Cannes. Mexicain et Français au temps de Franco, le plus grand des cinéastes espagnols aimait mélanger la dérision et la subversion, la gravité et la poésie. Nul ne sait si il y a un nouveau Buñuel dans la Sélection Officielle 2000.
Il refusait l'académisme (voir chronique précédente) et donc le perfectionnisme. Pour lui, c'était l'ennemi de l'art. Lui fonctionne à la passion.
Il a inventé la main qui se promène toute seule (celle de la Famille Addams) dans L'Ange Exterminateur, il a choqué Cannes avec Pitié pour eux (1950), il a imaginé des fantasmes sexuels, fétichistes dans Belle de Jour, avant même la libération sexuelle.
Buñuel c'est un anti-conformiste, un avant-gardiste. Il ne cherchait pas à plaire ; il voulait anticiper nos désirs, nos peurs. Il était l'emblème d'un cinéma à la fois expérimental et populaire.
Il aurait eu 100 ans cette année, tandis qu'Oliveira tourne encore, Bergman songe au suicide et Chahine cherche, à Cannes, le financement de son prochain opus. Le papy-boom ne fait que commencer. Et les hommages aussi. Prévert, autre grand généreux du cinéma (français), aurait mérité son hommage.
C'est Noiret qui recevra les honneurs ce soir. Une Palme et rien d'autre pour Philippe le Bienheureux.

Coups de foudre et conséquences

Un petit vent de romance souffle sur la CroisetteÉIl faut dire que depuis trois jours, un seul sujet occupe les écrans cannois : l’amouuur. Après deux mariages («La Noce », «Yi-Yi »), deux adultères («Infidèle », «La Coupe d’Or »), et une petite dizaine de parties de jambes en l’air, difficile de ne pas céder aux sirènes d’un thème universel et décliné à l’infini.

Du coup, le Festival y va de son coup de foudre, tombé sous le charme d’Anna Thomson, une nouvelle fois superbe dans «Fast Food, Fast Women ». L’égérie d’Amos Kollek a tout simplement conquis les journalistes cannois, habituellement peu enclins aux applaudissements personnalisés. Adorablement décalée, cette actrice américaine est d’ailleurs l’objet d’un véritable culte en France, depuis sa fascinante prestation dans «Sue perdue dans Manhattan ».
Autant dire que les interviews et les photos se sont négociées longtemps à l’avance ; c’est sur la plage du Grand Hôtel que la Belle se soumet aujourd’hui aux traditionnelles séances de pose. Loin de l’image capricieuse des stars (ce qu’elle est pourtant), Anna est délicieusement simple : adorée des journalistes, les festivaliers lui doivent eux aussi un joli moment de fraîcheur.

 
 
 

Evidemment, à Cannes plus qu’ailleurs, difficile de se contenter d’amour et d’eau fraîche. Business is business, et dans les couloirs du Marché du Film, c’est bien d’argent qu’il est question, même si les distributeurs de la Croisette ne crachent plus aucun billet, asséchés par la grève des convoyeurs de fonds.

La bonne nouvelle, c’est que les Français ne repartiront pas les poches vides : après Vatel, acheté par Miramax, c’est au tour de «Harry, un ami qui vous veut du bien » de convaincre les distributeurs étrangers, ce qui ne fait pas de mal. Miramax, encore elle, a ouvert le feu pour les Etats-Unis, suivis de près par l’Espagne, l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce, le Bénélux, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, sans compter l’Italie et le Canada, en cours de négociations. A croire qu’ici aussi, on est persuadé que le film figurera au palmarès.
De son côté, Christophe Gans prépare une jolie carrière à son «Pacte des Loups ». La toute première projection des cinq minutes de promo de son film -qui sortira le 18 octobre en France- a reçu hier un accueil on ne peut plus chaleureux de la part des acheteurs ; on parle même d’un possible pactole de 80 millions de francs.

A défaut d’être romantique, le Marché du Film est visiblement francophile : on ne s’en plaindra pas.

  
 
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