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   spécial Cannes
 
ACANNEMISME
(à lire avec la voix de Piéplu, façon Shadocks)

Depuis l'arrivée des jeux vidéos et des films interactifs sur Internet, on s'interroge beaucoup sur l'avenir (le devenir) de l'écriture cinématographique. D'autres se demandent pourquoi la sélection officielle est aussi faible en originalité. Les deux sont peut-être liés. Médias,savants, cultureux en débattent.
Opposer l'écriture classique à des nouvelles écritures est sans doute trop manichéen. Juste avant Vatel, nous eûmes le droit à un court métrage sur les Or/Origines du Xxè siècle selon Saint God Art (JLG pour les fans), mélange de sons, de barbarismes, d'images chocs pas chics, trafiquées visuellement et de mots écris en gras sur l'écran. Et certains se sont plaints que le vieux maestro ne se renouvellait pas...
On constate dans cette sélection officielle deux catégories de cinéastes : ceux qui se font les apôtres de la Référence (et des exigences qu'elle impose) contre ceux qui refusent l'héritage en tant qu'influence. Liv Ullman nous offre un remake de Bergman (Trolösa)tandis que les Coen tentent d'affirmer leur créativité en niant s'être inspiré d'untel (Sturges) ou untel (Capra). Même Clooney, en rigolant !, avoue ne jamais avoir lu l'Odyssée d'Homère.
Pourtant, tous s'inspirent de leur culture cinématographique et artistique... leur création provient d'un mélange inédit entre la mémoire culturelle de l'humanité et leur propre vision des choses. Alors pourquoi cette volonté de copier en guise de respect, ou de renier pour paraître neuf (avec du vieux) sans parler de ceux qui se croient investis d'une mission où il s'agirait de créer un nouveau cinéma (novo cinema, neue cinema, new cinema, nuovo cinema...).

 
 

Et là, interactivement, le plaisir du spectateur s'en mêle. Nous sommes à Cannes pour deviner qui seront les grands cinéastes de demain. Rien ne dit que le film sera populaire. Il offrira une signature. Une Palme d'Or ne doit être ni académique, ni hommage. Elle doit donner un signe d'encouragement. Les meilleures palmes ce sont celles attribués à Scorsese, Coppola, Soderbergh, Tarantino et les Coen. Ou Demy si on prend une référence chauvine.
En 5 jours de Festivals, autant de cachets de Sargenor et une petite vingtaine de cafés, on a dû voir des films confus, incompréhensibles, mal écrits à force d'audace, peu innovateurs, et d'autres faisant succéder des scènes sans y mettre un lien. L'écriture du cinéma est complexe. Elle mélange les sons, les images, le texte et le jeu des acteurs. Il y a des cinéastes qui veulent raconter et ceux qui délirent. Le Neil LaBute, inégalement accueilli, mélange les deux genres et contribue à un plaisir communicatif (et donc communautaire). A Cannes, on pourrait rajouter un troisième genre : les histoires qui doivent faire réfléchir. Les festivaliers en sont friands, généralement.
Car beaucoup préfèrent revendiquer un classicisme total, à force de métaphores, de beaux dialogues et même de plans étudiés en école de cinéma. Il existe à Cannes un certain académisme. Néologisme : acannémisme (à rajouter dans votre dico pour Word). On le ressent en voyant les costumes de Vatel ou de The Golden Bowl. On le subit avec la théâtralité et les longs dialogues de Infidèle ou de Guizi Lai Le. Certains scénarii sont incohérents, flous. Les films souvent trop longs (objet de la chronique précédente).
2000 est une année sans monstre sacré. Les seuls Palmés sont les frères Coen, qui avec Von Trier, Ivory et Loach, font figure de vétérans ! ! ! En clair, les anciens et fidèles ont changé. D'Angelopoulos on est passé à Wong Kar-wai, de Oliveira on va à Lounguine, sans Kusturica ou Imamura, on confirme Gitai et Haeneke. 2000 aura été non pas l'éclosion d'une nouvelle écriture, mais bien la consécrations de nouveaux styles et d'une nouvelle génération.
Ce qui ne signifie pas qu'elle soit moins acannémique.

Festival en sommeil

Glaces, chouchous, beignetsÉEn ce dimanche ensoleillé, Cannes la balnéaire a pris le pas sur Cannes la festivalière. Une fois n’est pas coutume, les plages sont aussi pleines que la Croisette, envahie par des opérations publicitaires. La fête est dans la rue, tandis qu’une douce léthargie s’empare du Palais. Est-ce l’émotion du film de Liv Ullmann ? La perplexité qui guette les spectateurs d’ «Estorvo » ou l’habitude de voir James Ivory au Festival ? Toujours est-il que l’excitation de la veille est un peu retombée, même si Georges Clooney est encore sur toutes les lèvres (« alors, tu l’as vu ?? »). A vrai dire, beaucoup ont carrément l’air de s’ennuyerÉA trop restreindre ses fêtes, le Festival a sérieusement plombé son ambiance, y compris chez les professionnels. Beaucoup de moues désabusées cette année, peu d’applaudissements frénétiques, des avis partagés et logiquement, un calme plat sur les pronostics. Aucune Palme à l’ordre du jour, de rares coups de cÏur, mais quelques murmures persistants : Lena Endre, splendide chez Liv Ullmann, pour le Prix d’interprétation féminine, Dominik Moll («Harry, un ami qui vous veut du bien ») pour le Prix du scénario et Samira MakhmalbafÉon ne sait pas où mais forcément quelque part.

 
 
 

Si le Palais semble bien vide tout à coup, c’est aussi que les terrasses ont récupéré une bonne partie de la population festivalière, qui peut enfin exhiber ses lunettes noires - siglées évidemment- et tenter de prendre quelques couleurs, histoire de prouver que oui, elle en était !
Question de «prestige » comme vous le diront nos petits hommes bleus, dignes cerbères du Festival, toujours fidèles au poste.
S’ils restent plantés devant les marches ou les entrées des salles, s’ils prennent quinze jours de vacances simplement pour travailler à Cannes, c’est bien pour la réputation de l’événement et les anecdotes croustillantes qu’ils pourront raconter à leur retour. Retraités ou étudiants, cinéphiles ou midinettes, ils ont tous leur lot de souvenirs, des rencontres parfois cocasses. Parce qu’ils ne parlaient pas forcément anglais, parce qu’ils ne connaissaient pas toujours les vedettes du jour, certains ont poussé le zèle jusqu’à refuser l’entrée à Jane Birkin ou Faye DunawayÉqui n’avaient évidemment ni badge ni invitation !!

Ces petits imprévus qui font le charme d’un Festival, Cannes les guette cette année désespérément : de la surprise, sinon rien.

 
  
 
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