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   spécial Cannes
 
REPETITIONS

Que ce soit un remake (Under suspicion), un film à costumes (Vatel), un Ken Loach (Bread and Roses) ou encore un film indie américain, le cinéma se répè-pète. Cannes, avec un peu de croisette dans les pattes, déçoit généralement avec les films trop attendus, et surprend avec ceux venus de nulle part et d'ailleurs. Difficile de faire des pronostixÉ
En cela Cannes ne fait pas dans la rediff. Chaque Festival, même pour le plus blasé des cinéphages, comporte ses moments forts, uniques, et mémorables. Mais aussi le film bouc-émissaire, celui qui se fera huer, qui chauffera la salle et motivera les langues à se délier (et la mauvaise foi prendre le dessus).
Mais avouons que le programme des deux premiers jours n'est pas des plus excitants. Si les Ïuvres sont radicalement différentes, esthétiquement, artistiquement, les histoires nous rappellent un certain goût de déjà vu. " Deejaview " comme disent les Américains. Under Suspicion est un remake actualisé de Garde à Vue. On ne s'attend pas à une réalisation magistrale de la part d'Hopkins, plus habitué à la science-fiction.
Vatel n'est qu'un mélange sans saveur - un comble - de plusieurs films labellisé qualité européenne, à la manière de ces productions carton-pâte très kitsch de la fin des années 50. Ken Loach revisite le monde latino et les problèmes sociaux ; ici, la chanson de Carla se transforme en combat de Maya (rien à voir avec l'Abeille homonyme). Comme si le cinéaste n'arrivait plus à se libérer de ses propres chaînes. Ces réalisateurs, sous influence des producteurs ou avec un manque d'audace paradoxalement destructeur pour un artiste, sont enfermés dans un système, financier ou mental, les empêchant de se renouveler.
Ce que je sais d'elle, l'un des films au casting le plus hallucinant des marches de cette année, est un puzzle qui fonde son évolution narrative sur la répétition. A partir de 5 chroniques, à travers une ville et dans un temps relativement clos, la caméra s'emballe autour de destins croisés et de coïncidences. Les regards se multiplient mais pour se dire quoi ? Toutes ces vies sont semblables, toutes sont à la recherche d'un nouveau souffle, d'air pur, de bouffées d'oxygène.

 
 

Rien d'hilarant. Il y a bien cet Harry, impromptu et différent, attentif et qui nous veut du bien. Un Harry qui met une famille dans tous ses états, qui ne joue pas les Inspecteurs ; un drôle d'ami a priori providentiel, totalement martien dans le paysage de Cannes. On l'attend presque trop ce mec qui doit faire monter la tension, accroître notre adrénaline, renverser l'estomac. Un peu plus et on deviendrait anorexique en voyant les plats de François Vatel, les hanches de Calista Flockhart, et en anticipant ce thriller à la françaiseÉ
Ni dans la forme, ni dans le fond, jusqu'à présent, le cinéma cannois ne s'est manifesté de façon singulière. Heureusement il est pluriel.
Le cinéma se cherche un nouveau langage, une néo-écriture. Qu'il cesse de se croire Polaroïd ou photocopieuse, le cinéma est un art. C'est tout l'enjeu de ce Festival. Prouver que le film est une Ïuvre qui existe par elle-même : loin des deals, des adaptations, des contraintes économiques ; et surtout très proche des attentes et des exigences du public. C'est ce qu'on espère avec O Brother where art thou, où les Coen Brothers vont revisiter Ulysse selon Homère

 
 
Karate Beach

Certains vous diront que le Festival de Cannes est un vrai microcosme, obsédé par sa petite personne et fermé au reste du monde. Ceux là n’ouvrent ni leurs yeux ni leurs oreilles : pour qui le veut, Cannes est un formidable espace de rencontres, souvent drôles, parfois émouvantes, toujours passionnantes.

Il est aisé de croire que les journalistes et les équipes des films en compétition occupent l’essentiel du terrain, Canal + et montée des marches oblige. Mais le Palais abrite bien des anonymes tout aussi méritants, et trop souvent oubliés.

A commencer par le spectateur lambda, cannois ou non, qui économise parfois depuis de longs mois pour assouvir son plaisir de cinéphile. Beaucoup d’efforts et peu de résultats, tant l’espace lui est compté. Pas d’accréditation, un simple passe qui l’autorise à faire la queue plusieurs heures pour décrocher l’invitation ouvrant les portes des salles obscures. Ces mêmes salles qui sont parfois à moitié vides, délaissées par les privilégiés pendant que la foule piétine au dehors. Luc Besson souhaiterait un Festival plus ouvert au public, nous aussi.

Viennent ensuite les jeunes comédiens, qui ont leur Bureau mais guère plus de chance. Ils étaient une cinquantaine hier, embauchés pour divertir le gratin cannois. Vêtus de costumes d’époque, ils jouaient à colin maillard au milieu du fameux cocktail «Vatel », dont ils n’ont guère pu apprécier le faste. Sitôt leur mission accomplie, les portes se sont refermées sur leurs modèles. Qu’ils viennent des écoles de cinéma de la région, qu’ils aient déjà tenu un petit rôle, peu importe : ceux qui feront le cinéma de demain doivent aussi quémander leurs invitations ou tenter leur chance dans les soirées.

 
 
 

Oui, mais difficile cette année de découvrir à qui s’adresser pour tout savoir de ce royaume nocturne, cette part de la légende cannoise. Le Festival a serré les vis, rétabli le calme sur la plage et instauré un vrai couvre-feu. Reste la rencontre providentielle, celle de l’anonyme qui habite justement le petit village envahi par la fête, à quelques dizaines de kilomètres de la Croisette (indice réservé aux amateurs : pour les Hot d’Or, suivre la même directionÉ.).

Quant à ce mâle bodybuildé qui déjeune à côté de vous, sachez qu’il appartient lui aussi au monde du Festival, version Marché du Film, là où se préparent les prochaines affiches mondiales. Vous ne le savez pas encore, mais c’est lui «la nouvelle superstar des Arts martiaux », un Jean-Claude Van Damme version argentine. Pour preuve de ses capacités, il est d’ailleurs prêt à vous emmener illico sur la plage pour une petite leçon de roulé-bouléÉ C’est aussi ça le Festival de Cannes !

 

  
 
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