1983
La ballade
de Narayama

de Shôhei Imamura
(E.Unis)

Gros plan sur l'année 1983
Les Prix et Jurys

Dans un village isolé où les habitants vivent dans la plus grande pauvreté, un fils doit aller porter sa vieille mère à Narayama, la montagne sacrée où doivent reposer les vivants avant de mourir. En 1958, le cinéaste Keisuke Kinoshita réalise une première version de La ballade de Narayama. Oeuvre d’exception où abondent les recherches esthétiques, le film de Kinoshita se place sous la bannière de la stylisation, affichant d’emblée sa filiation avec le théâtre Kabuki.

La seconde version réalisée par Shôhei Imamura en 1982, tout en restant fidèle à l’intrigue originale, se dégage totalement de l’influence théâtrale pour situer l’action du récit dans un univers réaliste, qui tient presque du regard documentaire. En effet, le film est entièrement tourné en décors naturels et la caméra, qui joue davantage le rôle d’un observateur impartial, offre une vision implacable des moeurs "primitives" du Japon médiéval. Imamura dépeint un univers certes cruel, mais combien lyrique grâce à la grande beauté des images et à cette émouvante relation mère/fils.

La photographie du film se garde bien d’être lumineuse. Comme pour souligner le profond isolement des habitants dans leur village, Imamura et son opérateur ont opté pour des couleurs de terre qui nous rappellent constamment que la vie de ces hommes et de ces femmes est liée à la fertilité terrestre et au cycle des saisons. L’instinct de survie prend une telle importance dans La ballade de Narayama que les humains se retrouvent pratiquement au même niveau que les animaux qui, eux aussi, ont une large place dans l’iconographie du film. Imamura se permet quelques judicieux parallèles pour démontrer comment l’existence de l’homme est similaire à celle de l’animal. Ainsi, les ébats amoureux sauvages de deux paysans sont immédiatement suivis de plans montrant tantôt des reptiles, tantôt des insectes en train de s’accoupler. La ballade de Narayama contient également une scène d’une cruauté peu commune, où une famille entière, accusée de vol, est enterrée vivante par les autres paysans révoltés par la situation. Imamura a filmé la scène de telle sorte qu’on se croirait à l’intérieur d’une fourmilière grouillante d’activité. Voilà qui atteste une fois de plus de cette obsession entomologique si caractéristique de toute l’oeuvre d’Imamura.

Louis Goyette


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