1976
Taxi Driver
de Martin Scorsese
(E.Unis)

Gros plan sur l'année 1976
Les Prix et Jurys

Il suffit de se rappeler que cette année-là, Rocky s'est mérité l'Oscar du meilleur film à Hollywood, pour bien mesurer l'ampleur de cette Palme d'or remportée par Taxi Driver, qui se révèle ni plus ni moins que l'antithèse ou l'antidote (ou encore, si vous préférez, le revers de la médaille) de l'idéal américain si bien défendu par le film de Sylvester Stallone (pardon, de John G. Avildsen). Le Festival de Cannes n'a jamais reculé devant la controverse, mais il fallait beaucoup de culot pour placer ce film d'un jeune barbu italo-américain au-dessus de la mêlée européenne, représentée par des films aussi forts que Cria Cuervos de Carlos Saura, La Marquise d'O d'Éric Rohmer ou Affreux, sales et méchants d'Ettore Scola.

En primant cette oeuvre puissante et troublante de Scorsese, le jury récompense une vision critique et personnelle de l'Amérique contemporaine, une Amérique qui se remet à peine de la guerre du Viêt-nam et du scandale de l'affaire Watergate, une Amérique constamment menacée par de soudaines irruptions de violence, par des assassinats politiques crapuleux (John F. Kennedy, Robert Kennedy, Martin Luther King, Malcolm X) et par une instabilité sociale particulièrement flagrante dans les grands centres urbains. Car Taxi Driver est aussi un film sur New York et le portrait n'est pas nécessairement reluisant. Ce portrait s'avère intimement lié à la perception du principal protagoniste, Travis Bickle (Robert De Niro), qui ne travaille que la nuit et perçoit la ville comme un gigantesque dépotoire humain. Nous le suivons alors qu'il s'enfonce de plus en plus dans la schizophrénie. Il termine son périple dans une hécatombe sanglante qui est devenue l'un des plus grands (et des plus pénibles) moments de violence de l'histoire du cinéma.

Taxi Driver marque par ailleurs la rencontre de quatre immenses talents : Martin Scorsese à la réalisation, Paul Schrader à la scénarisation, Robert De Niro à l'interprétation et Bernard Herrmann à la musique. Cette combinaison a permis de créer l'un des plus grands films américains des années 70, beaucoup plus important que tous les Rocky mis ensemble (il y en a eu cinq!).

André Caron


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