1963
Le Guépard

de Luchino Visconti
(Italie)
Zoom sur l'année 1963
Les Prix et Jurys

Mettant de côté ses origines néo-réalistes, Visconti propose avec Le guépard une oeuvre d’une beauté à couper le souffle, aux décors somptueux, à la réalisation luxueuse et aux couleurs irrésistibles. La patine du temps confère au film du grand cinéaste italien une valeur accrue de joyau inestimable, en rappelant l’existence d’un certain cinéma classique qui serait impensable aujourd’hui.

Le récit mis en images par Visconti montre le retrait progressif du personnage de Burt Lancaster (qu’il interprète par ailleurs avec beaucoup de conviction et d’émotion) d’une société en mutation galopante. Plusieurs signes étayent avec force cette lente prise de conscience de sa mortalité chez le vieux protagoniste. Elle trouve en effet écho dans la naissance du jeune couple Delon/Cardinale, qui se substitue à la désintégration de celui formé par Lancaster et sa conjointe. On remarque aussi le passage à une tangente politique davantage démocratique, comme pour souligner l’aspect lourdement passéiste de l’héritage noble de Lancaster. Pris entre ces deux extrêmes en apprence contradictoire, Visconti opte pour une mise en scène ample et caressante comme une douce brise en été, faite de nombreux plans-séquence d’une élégance sans pareil, mais également porteurs d’une acerbité fracassante envers les règles et traditions non-dites de la très haute société. Il en résulte une oeuvre qui exsude le panache des méga-productions de l’époque, en même temps que s’y insère en filigrane un discours quasi moderniste, autant du point de vue du contenant que du contenu. Sous cet angle, il n’est guère suprenant de se souvenir de Martin Scorsese qui, à la sortie de son exceptionnel The Age of Innocence, disait s’être inspiré du travail effectué par Visconti pour Le guépard. A elle seule, la longue scène du bal qui clôt le film confirme cette parenté. Morceau de bravoure unique et leçon de mise en scène, cet extrait s’inscrit désormais dans les annales du cinéma.

Par leur mimétisme d’un milieu qu’ils décrivent avant d’y asséner de violents coups de griffe, des oeuvres telles que The Age of Innocence et Le guépard suggèrent que derrière des apparences bourgeoises, souvent se dissimule un revers révolutionnaire.

Alain Dubeau


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