1951
Miracle à Milan

de Vittorio De Sica
(Italie)
Zoom sur l'année 1951
Les Prix et Jurys

Miracle à Milan est la cinquième oeuvre collective du réalisateur Vittorio de Sica et du scénariste Cesare Zavatinni. Une union qui commença en 1943 (The Children are Watching) et se termina 21 films plus tard en 1973 (A Brief Vacation). Zavatinni, contrairement à des hommes comme Fellini, Antonioni ou Pasolini ne fit jamais son entrée dans le monde de la réalisation. Il préféra plutôt faire équipe avec De Sica et contribuer aux essais théoriques sur le néo-réalisme.

Dans les années suivant Miracle à Milan, Zavatinni écrit des manifestes réalistes. Il aimait raconter des histoires sociales et des films sur la réalité quotidienne, plutôt que des mélodrames tirés par les cheveux. Tourné entre les deux classiques néo-réalistes issue du même duo, Le Voleur de Bicyclette (1948) et Umberto D (1951), Miracle à Milan se place comme un défi aux éléments stylistiques et formels du néo-réalisme et du manifeste de Zavatinni.

Miracle à Milan est une fable allégorique opposant les riches aux pauvres. Le film semble défier la croyance de Zavatinni qui écrivit: «la vrai fonction du cinéma n’est pas de raconter des fables». Pourtant, le film possède un humanisme honnête associé au néo-réalisme, et dans un certain sens, il démontre une critique beaucoup plus dure sur la société italienne que les films basés sur la réalité. Miracle à Milan est tiré de deux histoires de Zavatinni rédigées dans les années 40 «Toto the Good» et «Let’s give Everyone a Rocking Chair».

Le film commence alors qu’une vieille femme avec des pouvoirs magiques, Lolatta, découvre un bébé dans un choux. Quant elle meurt, le garçon est envoyé dans un orphelinat. À l’âge de 20 ans, notre naïf et innocent Toto quitte ce foyer et devient l’ami d’un groupe de pauvres gens vivants dans un bidonville de la banlieue de Milan. Leurs vies sont transformées lorsqu’ils découvrent du pétrole sur leur terrain. Le riche propriétaire Mobbi s’intéresse de près à ce terrain et concocte un plan pour les en chasser. Avec l’aide d’une colombe magique volée au paradis par le fantôme de Loletta, les pauvres sont capables de renvoyer les autorités. La colombe permet aussi à Toto d’exaucer les voeux de ses amis. Certains voeux sont saugrenus (manteaux de fourrures pour se tenir au chaud et chapeaux pour frimer devant Mobbi) et ironiques (une femme amoureuse d’un homme noir change sa couleur de peau pour se rendre compte ensuite que son amoureux avait toujours rêvé d’être blanc).
Cependant, les amis de Toto deviennent de plus en plus avares et l’harmonie traditionnelle fait place à la zizanie. Toto perd la colombe et tout ce petit monde se retrouve sans défense devant le plan d’éviction du propriétaire. Le fantôme de Loletta réussit encore une fois à rattraper la colombe et le film se termine sur les pauvres chevauchant leur balais vers le paradis.

Cette fin quelque peu fantastique placée sous le signe du néo-réalisme - avec les démocrates chrétiens au pouvoir en 1949 - provoqua une controverse entre la gauche (qui trouvait le film trop naïf) et la droite ( que le jugeait irrespectueux envers l’Église et l’autorité). La critique gauchiste se demandait si la fin réaffirmait le dogme catholique avec les pauvres atteignant une récompense méritée, en l’occurrence le paradis ou si elle promouvait un échappatoire fantaisiste. La droite blâmait le statue quo qui laissait supposer que les pauvres n’avaient pas leur place sur terre dans le gouvernement présent. La fin est peut être tout simplement comme la revendiqua De Sica, un message humaniste des bons triomphant des méchants.

Les scénarios de Zavatinni ont toujours été d’un équilibre délicat entre réalisme et imagination artistique. Parfois Miracle maintient cet équilibre, grâce au mélange d’acteurs professionnels (Emme Grammatica et Paolo Stoppa) et non professionnels ou encore dans l’austérité de la cinématographie, par exemple dans le plan d’ouverture du petit matin à Milan. C’est dans Miracle à Milan que l’imagination artistique de De Sica-Zavatinni trouve son zénith grâce à certains moments de pure fantaisie: des esprits et des anges, des colombes magiques et des événements surnaturels. Ce qui semblait encore plus subversif que ces intrusions fantastiques sont les éléments formels jamais vu auparavant dans le néo-réalisme : surimpositions, montage rapide, mouvement inverse. Dans ce sens, Miracle à Milan est une libération, permettant au néo-réalisme de faire un pas en avant.

Donato Totaro
traduit de l’anglais par
Armelle Bayou


[Index] [Actualités] [Films & Sélections]
[Interviews] [Destination Cannes] [50 Festivals]


© Volute productions 1997
© Hors Champ 1997