16 Mai 1997







2 mariages et un internement
Cannes - 16 Mai 1997 - 12h15

Tandis que les festivaliers se plaignent de la longueur des films, de la qualité plutôt moyenne de la sélection et commencent à saturer avec la violence, Nick Cassavetes nous propose une sucrerie (un scénario de son père), une comédie amoureuse de une heure trente.
Alerte et drôle, She's so lovely un poême dédié à l'amour (avec un grand A comme dans absolu).
Il fonctionne grâce à une réalisation vive, plaisante et intelligente. Le script balance entre la passion - et ses drames - et les instants de bonheurs, les sentiments, les futurs souvenirs. Quelques scènes pleines d'humour ponctuent les douleurs internes des amoureux.
La véritable bouffée d'air euphorisant - la fin est résolument optimiste et irréaliste - doit beaucoup au couple-acteur Robin Wright et Sean Penn. Crédibles, angéliques, beaux, ils se donnent à 100% dans deux personnages magnifiques.
Le reste du casting est tout aussi bon. Avec une scène "à la Brando" pour Gena Rowlands; le public a par ailleurs applaudit son apparition à l'écran, comme au théâtre.
Co-produit par Travolta, Penn et Depardieu, cette comédie semble vouloir faire partager la passion de ses 2 personnages, dévorante.

N'oubliez pas votre brosse à gratter
Cannes - 16 Mai 1997 - 16h30

Conférence de presse très chaude pour Kassovitz et Serrault. Assassin(s) n'a décidément pas été compris par la majorité des journalistes.
Au cours de ce débat que cherchait Kasso, le scénariste-cinéaste-acteur-monteur-producteur a déclaré : "c'est une expérience qui doit être désagréable. La violence n'est pas agréable."
Il en a conscience, "pour 10 spectateurs, il y aura 10 interprétations différentes".
Il aura surtout insisté sur l'incompétnce des médias - avec raison si l'on parle de leur réflexion. Même s'il y a une grande ironie à dire cela à des journalistes volontairement écartés de la promotion du film (hormis Canal + et quelques journaux).
Ce film est avant tout une critique de la Télé. Laissons juges les spectateurs pour le film. Et c'est vrai qu'en se remémorant sa bouillie télévisuelle (1 heure 20 de zapping), on vire soit à l'indigestion, soit à l'allergie. Espérons que les gens ne seront pas malades en voyant le film.

Secrets et Mensonges
Cannes - 16 Mai 1997 - 18h00

The sweet hereafter est l'histoire d'une cassure. Il y a un avant et un après. Le passé est heureux, chaleureux, familial. Le présent est fêlé, frileux, tourmenté. Il y aura un futur, évidemment ; mais plus rien ne sera comme avant.
Ici aucun tribunal, une police discrète, des médias absents. Le film est le contraire d'un produit de studio, tant dans sa narration et dans sa vision. Egoyan filme un village perdu dans un Canada enneigé. Bleu-vert comme les sapins. Il scalpellise le temps et les gens afin d'en extraire le(s) démon(s) qui les ronge(nt).

The sweet hereafter est l'oeuvre d'un tournant. Il y a un pré- et un post- . Le parcours jusqu'à Exotica, la tentation d'Hollywood, ses mensonges, le rêve brisé. Après il y eut un livre, un film, ...une palme ?
Pour la première fois, Egoyan adapte un roman, se servant de son sujet (un fait divers cruel) pour décrire sa pensée. Il existe dans ce film une vraie philosophie de vie, une conception de la société. Cette vision assez universelle prend la morale à rebours, sans jamais juger qui que ce soit.
Devant cette ville anesthésiée, on ressent -sans émotion réelle- les petites tragédies qui sont nées du grand drame.

Comme avec un canif, sa caméra découpe des morceaux de temps, comme les pièces d'un puzzle, qu'on assemble sous nos yeux. Toute conséquence a sa cause. Ici le mensonge ultime, celui qui ressoudera les familles amputées, provient de l'accumulation d'injustices. Toute vérité n'est pas bonne à dire et menace dangereusement des équilibres fragiles. La solidarité, l'esprit de communauté, la vérité, autant de thèmes que traitent le cinéaste torontois. Mais plus que tout il fait l'éloge de la responsabilité individuelle, et dénonce du même coup la lâcheté d'un parent absent. Le film porte un certain fatalisme en soi, assumant l'accident plutôt que d'accuser X.
Très fluide, puissant et serein, De beaux lendemains est aussi le plus simple des Egoyan. Accompagné par une magnifique musique, les mouvements confèrent au film une ambiance étrange et presque méfiante.

Il s'agit donc d'un admirable regard doux et violent, à l'image de ce bébé sur le point de mourir. On sort du monde des vivants, sans entrer dans celui des morts. On ne fait que s'engouffrer dans la faille béante du conte allemand lu dans le film -"le joueur de flûte de la ville de Hameln"-, attirés par le guide Egoyan.

Brèves
Cannes - 16 Mai 1997 - 19h00

  • Robin Williams, Anabella Sciorra et Cuba Gooding Jr. ont fait trois petits pas sur un ponton de la Croisette afin de promouvoir leur futur film What dreams may come de Vincent Ward. Ils sont aussi attendus pour monter les marches.
  • Travolta-Penn-Robin Wright étaient en conférence de presse cette après-midi. Photos interdites (sauf pour les 3 pistonnés) à la demande de l'équipe. Gardes du corps en renfort dans la salle. La petite salle était pleine, mais très surveillée. A cela s'ajoute la venue imprévue de Mr Harvey Weinstein, président de Miramax (Pulp Fiction, Le Patient Anglais, She's so lovely), pour qui aucune chaise ni aucune petite pancarte de présentation n'étaient prêtes.
  • 5 thèmes sont revenus souvent dans les films sélectionnés : la violence, l'homosexualité, les problèmes socio-politiques, le rôle des médias et surtout, dans tous, la jalousie.
    Reflet de notre société ? On ose être un peu plus optimiste avec les philosophies qui se dégagent du Egoyan, du Chahine, ou encore du Poirier.


    MIKE LEIGH, secrets d'un palmé
    La Palme d'Or de l'année dernière est cette année parmi ceux qui éliront son successeur. Petit portrait d'un réalisateur qui n'a pas les méthodes de tout le monde.

    Premier prix
    Cannes - 16 Mai 1997 - 22h30

    Les critiques semblent très divisées pour la Palme d'Or 97.
    La critique française a largement préféré Western de Manuel Poirier. Screen a un certain goût pour l'Anglo-Saxon avec Nil by Mouth, The Ice Storm et L.A.Confidential.
    Moving pictures privilégient aussi le Ang Lee et le Hanson. Mais comme Variety et Hollywood Reporter, le Egoyan est en tête de liste.
    La critique canadienne, et de nombreux festivaliers ont été plus séduits par le Chahine, et croient que les origines d'Adjani et la montée du FN détermineront ce choix.
    Parmi les films qui n'ont aucune chance, Kini & Adams, The Brave et Assassin(s).
    En attendant, ce soir, et officiellement, les critiques ont voté pour le Prix de la Semaine internationale de la critique. C'est le long-métrage norvégien de Pal Sletaune, Budbringeren (Junk Mail).
    Côté court-métrage, le Prix Canal + a été dédié au Signaleur du belge Benoît Mariage.

    V.C. Thomas



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