12 Mai 1997







Anguille sous roche
Cannes - Le 12 Mai 1997 - 12h30'

Shohei Imamura, a reçu une Palme d'or pour la Ballade de Narayama. Il continue à fouiller la bête humaine qui est en nous, nos instincts, nos comportements pulsifs.
Tout commence par un meurtre violent, le mari punissant ainsi sa femme infidèle.
L'intrigue n'est guère originale, mais elle permet au cinéaste japonais de montrer la rédemption d'un hommme qui essaie de comprendre ce qui s'est passé en lui.
Raconté de la sorte, et en lisant le dossier de presse, on pourrait croire à un drame psycho puissant, voire lyrique. Le dossier de presse précise même que le film finira dans l'émotion.
L'oeuvre si elle montre le triomphe de l'homme et de sa raison sur nos comportements irréfléchis, si elle prouve qu'une rédemption exemplaire est avant tout un goût de la vie retrouvé, tourne allègrement vers la comédie, voir le burlesque dans une scène absurde de bataille à la Marx Brothers.
Si léger que l'on ne prend pas conscience de la philosophie ou de la poésie que le film doit vouloir dégager.
Quant à l'émotion, elle fuit très vite, comme une anguille entre les mains.

Demi-siècle
Cannes - Le 12 Mai 1997 - 12h45'

Belle montée des marches fleuries pour l'occasion (10 000 roses) avant la soirée Découfflé. Ce maître de cérémonie (J.O. 92) voulait avec sa troupe chorégraphié rendre hommage au cinéma sans le montrer, plutôt en le devinant. Excentrique et visionnaire il aura offert un spectacle multi-artistique : images, lumières, cinéma, danse, vidéo... Un écran, du noir, des miroirs...et la musique de Sébastien Libolt. Il voulait " une fantasmagorie transcendantale. Pour faire la fête. "
Pour immortaliser l'instant magique des stars et des primés sur une même scène, Greg Norman avait 10 minutes et une seule consigne : des habits sombres, pour mettre en valeur ces visages mythiques.

Brèves
Cannes - Le 12 Mai 1997 - 13h00'

  • Le Box Office américain a couronné pour la première fois dans l'Histoire un film entièrement produit et réalisé par des français. Le 5ème élément a rapporté 17 millions de $, devançant Father's day (9 millions), ironiquement un remake du film frenchy Les Compères, avec Depardieu.
    Le résultat est cependant très en deça des scores records de la saison.
  • Dustin Hoffman est à Cannes comme producteur. Il a annoncé qu'il lancerait 3 projets avec Punch productions. Parmi ces films, Blouse Man, avec Anna Paquin et Diane Lane, qu'il tournera à Montréal dès le 9 juillet prochain.
  • Demi Moore a causé plus de chahuts et de cris que Chirac à Cannes. 300 passants attendaient de vant la boutique Gucci pour l'entrevoir. 45 minutes plus tard elle s'engouffrait dans sa Mercédès. Difficile la vie de fans à Cannes.

    Les derniers empereurs
    Cannes - 12 mai 97 - 17.45

    Cette après midi au Salon des Ambassadeurs, s'étaient mélangés le grand public et les journalistes pour rencontrer quelques uns des plus grands réalisateurs de notre époque : Jane Campion, Roman Polanski, John Boorman, Theo Angelopoulos, Dennis Hopper, .....
    Le président de ce débat était Bernardo Bertolucci. En lançant le thème provocateur de la Mort du cinéma,, Wajda a exprimé son optimisme puisqu'il existe toujours des salles, un public, des jeunes qui veulent devenir cinéastes. Le cinéma ne peut pas se plaindre de ne pas être couvert médiatiquement, comparé à certains autres arts.
    On peut cependant reprocher le manque d'espace pour l'analyse, la réflexion, l'éducation, au profit d'une communication dictée par les attachés de presse. La carence d'information entraîne un grave danger d'amnésie en ces temps de domination télévisuelle (et donc de l'instantané). Ces cinéastes étaient inquiets du manque de culture cinéphilique, et surtout de l'amnésie concernant l'histoire du cinéma. Triste constat de savoir que peu se souviennent de Visconti.
    Mais il reste un constat partagé par tous : le cinéma est en pleine mutation.

    Château de Cannes
    Cannes - 12 mai 97 - 12 mai 97 - 18.45

    En bas des marches du palais, un chanteur d'une autre époque, micro à la main, Tino Valentino interprète Ferrat, Brassens, Brel..... Armé de son micro et de son chapeau, en patientant jusqu'à la montée des marches, le Don Quichotte de la chanson française à la vieille mode de chez nous, fait passer le temps aux fans et aux passants qui espèrent ramener un bout du rêve cannois. Le folklore en fait partie, sans aucun doute.

    Le feu sous la glace
    Cannes - 12 mai 97 - 12 mai 97 - 21.45

    The Ice Storm est le premier film vraiment américain du Taiwannais Ang Lee. A partir d'un roman (" vous savez ma vie est pauvre. Je ne peux pas continuer à la raconter encore et encore. Je trouve que les livres sont plus intéressants, et de toute façon, aujourd'hui, ils sont de plus en plus construits comme des films. "), le cinéaste a replongé dans l'Amérique de 1973. Une Amérique traumatisée par les mensonges (Vietnam, Nixon) et transformée par la libération sexuelle.
    Fidèle à son envie d'illustrer les relations humaines, et particulièrement les liens familiaux (et leurs évolutions à travers des épreuves), Ang Lee détaille les caractères, zoome sur habitudes révélatrices, et filme les pièges du drame. Le drame est avant tout social et familial. Mais ils prennent des proportions excessives, et tragiques, avec ce prétexte : une tempête de glace. La violence de la nature va ouvrir les yeux des personnages, pour qu'ils arrêtent de se détruire.
    Le film, totalement hollywoodien dans sa narration, dans la manière d'amener le drame, est d'une redoutable efficacité. L'émotion est réelle. La critique doucement assassine. La morale n'existe pas. Aidée d'une musique " primitive chinoise " (le seul élément asiatique du film), on sent le regard étranger sur une société en déclin, errante car sans vrais repères.
    Les acteurs contribuent grandement au plaisir, avec des rôles riches et colorés, un peu amoraux.
    Mais l'aspect général de l'oeuvre apparaît trop lisse, peut-être, pour qu'on se demande si le Ang Lee d'un Garçon d'honneur n'a pas perdu un peu de son originalité. Cette dernière est certainement sacrifiée sur l'autel d'une réussite au Box Office. Il n'y a aucun crime à cela. Juste une victime.

    V.C. Thomas



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